Le 19 octobre 2014
- Réalisateurs : Pedro Almodóvar - Michael Cimino
- Festival : Festival Lumière
Les Lumières vont s’éteindre, mais nous avons encore de jolies surprises avec du Almodovar, un "western" déjanté et les débuts de Cimino.
Pour cette dernière ligne droite, nous vous avons concocté un programme tous azimuts. Atame ! , l’un des films les plus attachants d’Almodovar, prix Lumière 2014 -pour lequel nous ne bouderons pas notre admiration et dont on espère un retour en grâce après la parenthèse malencontreuse des Amants passagers-, un western tarte à la crème avec Terence Stamp et un casse pas comme les autres signé Cimino avec Eastwood et Bridges.
On l’a suffisamment répété, Pedro Almodovar est un réalisateur qui aime les femmes. Avant la grande époque Penelope Cruz, étincelante dans Volver et Étreintes brisées, le cinéaste avait déjà une muse, une inspiratrice géniale, en la personne de Victoria Abril. Sexy sans jamais être vulgaire même lorsqu’elle doit jouer une ex star du porno en reconversion dans la série B, elle incarne une beauté chaude et sexuée tout en laissant paraître une certaine fragilité, subtil équilibre qui rend les hommes fous d’amour. Le fou en question, c’est Banderas, l’Antonio des débuts, viril et gominé, qui, dans Attache moi ! s’emploie à séquestrer la jeune femme et à la ligoter solidement pour lui montrer l’étendue de son amour. Si tout cela paraît au premier abord complètement fou, désespéré, voire amoral (Almodovar n’est pas un fablier, et heureusement ! ), on comprend bien vite que la frontière entre l’amour et la folie est bien difficile à définir. Cet amour, symbolisé par les liens qui viennent immobiliser la captive, ne souffre aucune concession, et ravage tout. En d’autres termes, il est total. Victime du syndrome de Stockholm, Marina, paumée, toxicomane, esseulée et surtout en manque criant d’amour, va se laisser happer dans la spirale de son agresseur et apprendre à l’aimer au delà de la différence. Il y a des milliers de façons d’aimer. Almodovar nous en montre juste une facette, qui, si aberrante puisse-t-elle paraître, nous montre que les marginaux, les laissés pour compte, ont eux aussi le droit à l’amour. Lorsque Marina se donne à Ricki, s’offre à lui, la caméra nous montre le couple nouvellement formé par le prisme de miroirs fragmentés, comme si ces deux âmes morcelés pouvaient ensemble trouver la paix et l’harmonie. C’est fou, mais ça fonctionne finalement. Sans doute le film le plus optimiste du cinéaste qui poursuit, après La loi du désir, ses pérégrinations sur la recherche de l’idéal amoureux et les mystères de la passion.
Si Atame ! pose de vrais questions sur le couple, il est aussi extrêmement drôle, et fait explicitement référence à la série B. On se remémorera longtemps la scène où Victoria Abril, sur le tournage de son film, reste pendue à un balcon après avoir rencontré son mari ressuscité d’entre les morts. Autre film d’un tout autre registre, parodie de western coolissime à souhait, On l’appelle Trinita enchaîne les gags à vitesse grand V. Terence Hill (Mon nom est personne), avec ses yeux bleus perçants, son sourire et ses habits crasseux, ne cherche pas les problèmes. Ce sont les problèmes qui le trouvent. As de la gâchette, prompt la bastonnade, il est clairement le mec le plus cool de l’ouest comme le dit explicitement la chanson mythique du générique : « He’s the top of the west, always cool, he’s the best ». On est bien plus proche de Lucky Luke que de Django, la violence du spaghetti étant remplacé par un humour à base de baffes, de tir entre les jambes, de méchants ridicules et de fermiers mormons polygames qui se laissent maltraiter avec bonhomie. Si, à sa sortie,On l’appelle Trinita a été accusé de tuer le genre western, alors moribond -qui perdurera finalement avec les westerns urbains à la Dirty Harry-, on peut tout aussi bien dire qu’il a ouvert une nouvelle brèche dans la création cinématographique, en décomplexant son propos à outrance avec un immense savoir faire et grâce à des dialogues qui n’auraient pas déplu à un Audiard. Au final, Trinita fera un certain nombre d’émules, jusqu’à l’excellent Crazy Kung Fu, quintessence de la parodie de genre. On kiffe, c’est le mot ! Et on en redemande.
J’’ai un ami qui a la même tête et les mêmes expressions que Jeff Bridges dans Le Canardeur, le tout premier film de Cimino, intitulé à l’origine Thunderball and Lightgoot. Dur de se concentrer donc. Mais en même temps, si vous connaissiez l’ami en question, vous pourriez vous faire une meilleure idée du personnage de Lightfoot, sorte de Billy the Kid des années 70 en mode chemise à fleurs et casse-cou au sourire benêt. Un personnage éminemment sympathique, taquin mais adorable, à qui l’on s’attache dès les premières secondes du film. Et puis il y a Clint, Big Clint, qui, à l’époque, faisait la pluie et le beau temps à Hollywood en tant qu’acteur le plus bancable. Outre un excellent film de casse (la minutie apportée aux détails est bluffante pour un premier film) qui nous évoque quelque part, pour une partie de sa construction, la série des Ocean’s Eleven, Le Canardeur est avant tout une belle histoire d’amitié, à la vie comme à l’écran, et mêle avec une grande intelligence humour et noirceur. Petite anecdote sympatoche : Mister Cimino n’a pas résisté à l’envie de danser sur « I love you baby » de son ami Frankie Valli lors de la présentation du film en nous confiant qu’il aimait les femmes. "Comme Clint, comme Jeff, et comme Frankie". Il faut dire que le petit (en taille) Michael a bien gagné son passeport pour l’amitié avec le grand Eastwood, lui qui a eu le « true grit » de refuser de lui vendre son scénario s’il ne réalisait pas le film. Je vous laisse imaginer la scène surréaliste ! Il paraîtrait même que le beau gosse d’Hollywood, avec qui Cimino avait pris l’habitude de sortir dans le clubs, affolait des nuées de femmes qui faisaient la queue pour le voir au bras de leurs petits amis, un sourire ahuri au coin des lèvres. Véridique !
- Clint Eastwood et Jeff Bridges dans "Le Canardeur"
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