Le 10 février 2022
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Entièrement dédiée aux premiers gestes cinématographiques, de tout genre, de toute nationalité et de toute époque, Préludes se distingue par une forte proposition éditoriale qui fait figure d’exception dans le paysage de la SVOD.
Copyright Préludes
Depuis le 25 janvier 2022, la plateforme est disponible dans sa version bêta et gratuite. Le lancement s’est accompagné d’une soirée d’inauguration, avec une projection au cinéma Le Saint André des Arts mettant à l’honneur la sélection de la réalisatrice Claire Doyon.
Films de patrimoine et créations contemporaines alimenteront chaque mois plusieurs sélections originales réalisées par des programmateurs aux univers et imaginaires variés. En investissant dans la fabrication de nouvelles créations, Préludes participe au soutien et à l’émergence des nouveaux cinéastes. La plateforme s’engage également dans la restauration en 4K des premiers films non numérisés, afin de pouvoir leur redonner vie en salles. Cet espace de diffusion, unique en son genre, s’inscrit donc dans une démarche globale, qui a pour but la mise en valeur des talents passés et à venir.
La volonté de se démarquer est la marque de fabrique de son créateur Thomas Carillon, qui a répondu à nos questions. Directeur de la société de production Wrong Films, il est également à la tête d’une entreprise de post-production, Micro Climat, sur laquelle s’appuie désormais sa plateforme Préludes.
Comment avez-vous eu l’idée de créer cette plateforme ?
T.C. : Lorsque j’ai créé Micro Climat, je voulais que l’on puisse faire des courts-métrages, des documentaires, des premiers films. Aucune autre société de post-production n’a très envie de prendre ces créneaux, alors j’en ai fait mon cœur de métier, et cela a bien marché. De la même manière, les plateformes n’ont pas envie de se lancer dans le préachat de premiers films. Les diffuseurs le font, car ils sont bien souvent soumis à une obligation légale de diversité. En nous positionnant ainsi, nous allons devoir nous renouveler constamment, c’est ce qui rend la chose intéressante.
Existe-t-il d’autres plateformes de ce type dans le monde ?
T.C. : Spécifiquement axée sur les premiers films, non, il n’y en a pas. Sinon je ne l’aurais pas fait. L’objectif n’est pas de fidéliser l’auteur, c’est vrai que c’est un créneau qui peut surprendre.
Vous avez mis en place un partenariat avec le cinéma Le Saint André des arts. Comment envisagez-vous le rapport entre les plateformes indépendantes et les salles d’art et essai ?
T.C. : Je pense que les deux peuvent et doivent cohabiter. Toutes les plateformes sont en train de signer des accords-cinéma, donc tout ça est en train de se réadapter. La salle doit continuer à vivre, elle procure un sentiment très fort, qu’il faut maintenir. Je pense que plateformes et salles vont de plus en plus collaborer, à l’image de ce que fait Le Saint André des Arts, et Thomas Ordonneau à la direction de Shellac. Il réfléchit dans la globalité, et je pense qu’il faut toujours réfléchir comme ça.
Projetés en salles à la suite, les courts métrages de notre première sélection répondent les uns aux autres et un sentiment d’unité et de partage se crée entre les spectateurs. Par exemple, tout le monde a ri lors de la projection du film de Marie Losier (à l’occasion de la séance d’inauguration de la plateforme N.D.L.R.).
Chaque sélection mensuelle s’accompagnera d’une projection au Saint André des Arts ?
T.C. : On va essayer de maintenir ça. Je ne sais pas si on y arrivera. Ce qui est sûr, c’est que dès qu’un film sera restauré, on fera en sorte de le projeter.
Ce que je souhaiterais également, c’est que les sélections faites par Préludes à partir des anciennes éditions d’un festival soient projetées directement pendant ce même festival.
Avec combien de salles avez-vous développé des partenariats ?
T.C. : Pour l’instant, juste avec Le Saint André des Arts. Anastasia Rachman, la directrice du cinéma, partage cette envie de faire revivre son cinéma par l’événement. Tous les soirs, elle organise donc des projections de ce type. Je trouve ça intéressant, il y a une convergence avec ce que l’on essaye de faire.
Quel public visez-vous avec Préludes ? Les jeunes en particulier ?
T.C. : Les jeunes, oui, mais il faut qu’ils soient cinéphiles. On a tout un volet qu’il faut que l’on développe, c’est celui de l’éducation à l’image. On est déjà un peu en relation avec les associations, mais il faut encore que l’on entre en contact avec les lycées, les écoles de cinéma, afin de proposer aux jeunes des abonnements à tarif réduit (quand la plateforme sera payante N.D.L.R.), et de les faire venir en salles, soit sur un programme, soit dans le cadre de masterclass.
Il s’agirait par exemple de mettre en relation de jeunes cinéastes, dont on a préacheté le premier film, avec des élèves de terminale option cinéma, afin que ceux-ci puissent les interroger à leur guise. Il y aurait une proximité dans les problématiques rencontrées : ce ne serait pas un cinéaste aguerri, loin de son premier film, qui ferait un cours magistral. Et puis, faire un premier court il y a vingt ans, ce n’était pas comme faire un premier court aujourd’hui. Les courts métrages se sont quand même beaucoup industrialisés.
Est-ce plus difficile de faire un court métrage aujourd’hui selon vous ?
T.C. : Ça dépend vraiment des films, mais je pense qu’avant il y avait moins d’enjeux économiques, il s’agissait davantage d’expérimenter. Aujourd’hui, parce que le processus s’est industrialisé, on est de plus en plus exigeants vis-à-vis des premiers films qui doivent, par exemple, reposer sur une construction narrative. Donc, au-delà de l’expérimentation, il faut aussi répondre à un cahier des charges pour accéder au marché des courts métrages.
Comment se fait la sélection des films mis en ligne sur la plateforme ?
T.C. : Pour faire la sélection, on passe par des programmateurs cinéphiles, d’horizons différents – un pour chaque cycle - auxquels on donne carte blanche. S’il s’avère que cet exercice est trop complexe, on donne un cadre. Par exemple, il peut arriver qu’on leur propose une liste de films en provenance d’un festival particulier, dans laquelle ils peuvent piocher. C’est ce que l’on a fait avec les films du Festival Premiers Plans. Un programmateur a ainsi sélectionné le premier film d’Arthur Harari (Des jours dans la rue), que l’on restaure, et ceux de Katell Quillévéré (A bras le corps), Rachel Lang (Pour toi je ferai bataille), Miguel Gomes (Entretanto), et Hubert Charuel (K-Nada).
L’idée est de permettre à chaque programmateur de partager sa cinéphilie, son univers, ou ses souvenirs de spectateur, ce qui est plus simple dans le cadre d’une carte blanche.
On est très surpris de voir à quel point chaque cas est unique. On est encore totalement dans une expérimentation.
Dans le cadre des cartes blanches, il n’y a vraiment aucune thématique ?
T.C. : Je suis anti-thématique (rires). On pourra toujours dire quelle thématique se dessine a posteriori, mais je ne veux pas que les films soient choisis pour leur appartenance à telle ou telle catégorie, comme la Nouvelle Vague française, la Nouvelle Vague géorgienne ou les films de genre, car c’est ce qui existe déjà dans les festivals ou sur d’autres plateformes.
On voudrait vraiment essayer de raconter quelque chose à travers ces films. Par exemple, Claire Doyon a en réserve une autre sélection : elle voudrait partir du premier court-métrage du cinéaste géorgien Mikhail Kobakhidze, qui s’appelle Tous les chemins mènent à Kobakhidze et faire une sorte de road trip temporel qui remonterait le temps, mais aussi la route entre la France et la Géorgie. Elle réfléchit à des cinéastes qui sont un peu dans la lignée de cet auteur. C’est assez passionnant de suivre ce genre d’associations totalement subjectives et de rentrer, à chaque fois, dans l’univers, les souvenirs des programmateurs.
Préludes s’accompagne de la mise en place d’une résidence d’écriture. Comment est-ce que tout cela s’organise exactement ?
T.C. : C’est encore un projet. L’ambition est de soutenir l’émergence de cinéastes en créant une sorte de label pour les premiers films. On aimerait instaurer des partenariats avec des festivals qui ont plein de workshops, de labs, et constituer un camp de base à l’année, où les cinéastes pourraient venir, mais toujours avec cet objectif d’être un support complémentaire à ce qui existe déjà. On fera aussi notre appel à projets une fois par an.
Il s’agirait de venir en soutien de l’industrie et de faire en sorte que les premiers films soient accompagnés de la meilleure manière, en fonction des besoins des cinéastes. Ce serait également une résidence de post-production. L’idée serait que tout le monde puisse se croiser à différentes étapes de la création et que les échanges et le partage en soient facilités.
Rattaché à tout ça, je suis en train de créer un fonds de dotation, une mini-fondation qui lèverait des fonds mécènes pour ensuite les réinjecter dans la résidence, dans la plateforme, en coproduction, sur des prix dotés…
Ce fonds ne dépendrait que du mécénat ?
T.C. : Oui. Mais il ne faut pas que le cinéma devienne entièrement dépendant du mécénat, sinon on va détruire l’industrie. En revanche, je pense qu’il y a une exception en ce qui concerne les premiers films. Il faut quand même, à un moment, être en mesure de garder une certaine liberté, et agir de manière désintéressée. Je pense qu’il est compliqué de faire en sorte que les premiers films soient toujours un succès. Les premiers films représentent ce moment où l’on est censé être le plus libre possible. Le cinéaste réalise quelque chose qui est inégal à coup sûr, mais le nourrit et l’enrichit beaucoup en tant que tel et l’amènera à son deuxième film, qui sera peut-être mieux, etc. Et le chef-d’œuvre sera peut être le troisième, mais il ne peut pas le faire s’il n’a pas fait son premier film.
Quel est le modèle économique de Préludes ?
T.C. : Préludes sera accessible dans sa forme complète et payante dès juin 2022 (abonnement à 3 euros par mois de juin à octobre 2022, puis à 6 euros par mois). Une quinzaine de nouveaux films par mois seront proposés à l’adhérent, pendant trois mois, ce qui amène à un total d’une quarantaine de films disponibles. Les films seront ensuite accessibles en vidéo à la demande.
On se concentre aujourd’hui sur le court-métrage, car les investissements sont moindres, mais il n’est pas évident de faire payer des gens sur cette typologie de films. C’est pourquoi il est prévu que l’on intègre, dans un second temps, les projets de longs-métrages.
J’aimerais bien qu’il y ait une mobilisation de l’industrie. A la base, je voulais que la plateforme soit une association où tout le monde pourrait adhérer, mais c’était trop compliqué. Donc je vais plutôt, à l’image de ce que fait déjà UniversCiné ou Tënk, ouvrir le capital chaque année, pour contribuer au financement.
L’objectif de Préludes est de faire en sorte que les films voyagent en festival. Nous voulons également les vendre aux chaînes, notamment étrangères, et aux plateformes. Pour cela, nous avons établi un partenariat avec Manifest, une société spécialisée dans la distribution de courts métrages, avec laquelle je travaille dans le cadre de mes activités de production, et qui se lance également dans les films de patrimoine. Dans le cadre de cet accord, Préludes aura la priorité sur les films pendant trois mois.
Avez-vous déjà reçu des subventions du CNC ?
T.C. : Non, pas encore, nous allons déposer un dossier en juin prochain. Le CNC ne prend pas en charge les coûts d’acquisition, mais il soutient les coûts de diffusion et les de restauration numérique. A ce niveau là, je pense qu’on rentre dans leur cahier des charges.
Quels sont les prochaines étapes pour Préludes, vos prochains objectifs ?
T.C. : Nous avons notre appel à projets, nous nous réunissons en comité de lecture dans dix jours, et prévoyons de préacheter entre deux et trois films. Nous sommes contents, car nous avons déjà préacheté huit courts. Puis, nous allons continuer à construire toutes les sélections, préparer le passage aux longs métrages, réaliser l’ouverture du capital, trouver le lieu pour la résidence et enfin créer le fonds de dotation.
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