Sur ses lèvres
Le 22 novembre 2012
Anne Fontaine remet ses noires obsessions sur le tapis pour un joli tohu-bohu.
- Réalisateur : Anne Fontaine
- Acteurs : Benoît Poelvoorde, Isabelle Carré, Jonathan Zaccaï, Bernard Bloch, Valérie Donzelli, Martine Chevallier, Véronique Nordey
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 21 septembre 2005
Résumé : À Lille, Claire travaille dans une compagnie d’assurances. Elle mène une vie harmonieuse et sans histoires avec son mari Fabrice et sa fille Pauline. Un jour, elle fait la connaissance de Laurent, un vétérinaire venu la consulter pour une affaire de dégât des eaux. Ils vont bientôt se revoir, au cabinet du vétérinaire, puis au zoo, où Laurent travaille également, et leurs relations vont rapidement prendre un tour plus personnel...
Critique : Dans le paysage hexagonal, Anne Fontaine, réalisatrice du divin Augustin, roi du kung-fu, reste sans conteste l’une des cinéastes les plus brillantes parce qu’elle surprend en permanence par son (beau) style et ses (noirs) sujets. Son habitude consiste à fouiller dans les zones d’ombre pour explorer les recoins les moins avouables de l’âme humaine. Les personnages qu’elle met en scène sont complexes, assujettis à des pulsions incontrôlables et des blessures indicibles (le fils mal dans sa peau de Comment j’ai tué mon père ; le couple dont la sexualité est mise à mal par l’intrusion d’un jeune homme dans Nettoyage à sec).
Alors qu’on l’avait laissé il y a plus d’un an avec Nathalie..., dans lequel une femme demandait à une sublime prostituée d’avoir des relations sexuelles avec son mari, Anne Fontaine remet ses obsessions sur le tapis avec Entre ses mains, une histoire d’attirance louche d’une mère de famille bien sous tous rapports pour un vétérinaire ambigu. L’intrigue est conventionnelle mais généreusement transcendée par les acteurs (Isabelle Carré, sublimement photographiée, et surtout Benoît Poelvoorde, crédible d’un bout à l’autre).
Le manque de surprise, accentué par des fausses pistes un peu convenues dans la seconde partie, ne remet que partiellement en cause la bonne tenue de l’ensemble. Mais ces rebondissements en chaîne un chouïa schématiques ont au moins le mérite de permettre au personnage incarné par Poelvoorde de bénéficier d’un soupçon d’ambiguïté supplémentaire. Ange noir, meurtrier présumé, catalyseurs des frustrations, il fait partie de ces personnages complexes, fantasmés, typiques de l’univers de la cinéaste, comme Stanislas Mehrar dans Nettoyage à sec, Michel Bouquet dans Comment j’ai tué mon père et Emmanuelle Béart dans Nathalie.... Tous ont pour ambition de venir secouer le quotidien morose et faussement stable de personnages en total contradiction avec eux-mêmes. Joli tohu-bohu...
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Etrange édition dotée d’un commentaire audio très riche et deux petits making of finalement dispensables. Le premier est littéralement porté par la réalisatrice Anne Fontaine qui n’est jamais avare en anecdotes, explications de mise en scène, analyses de ses choix artistiques. Présente également Isabelle Carré qui, beaucoup plus discrète, a l’intelligence de laisser s’exprimer l’enthousiasme de sa réalisatrice. Un commentaire audio instructif et enlevé. Les deux making of en revanche nous laissent sur notre faim. On y retrouve Poelvoorde un peu inquiet dans cette scène où il est censé soigner une lionne placée sous sédatif. Ça fanfaronne mais ça n’en mène pas large non plus. On se dit que c’est un peu normal car, étrangement, même sévèrement endormi, le fauve garde constamment les yeux ouverts. Le second module revient sur La scène du meurtre. Curieuse impression de voir toute une équipe disserter avec calme et professionnalisme sur la crédibilité de tel mouvement dans le cadre d’un meurtre extrêmement violent.
Image & son : Superbe image en nuances bénéficiant d’un contraste inquiétant à souhait. C’est feutré, trouble comme son personnage principal. Le Dolby Digital 5.1 sait, de son côté, accentuer l’aspect intimiste du film, privilégiant les dialogues même susurrés.
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Romane 5 octobre 2005
Entre ses mains - Anne Fontaine - critique
Fascination. Voilà probablement le terme qui définirait le mieux le dernier film d’Anne Fontaine. Celle qu’exerce sur Claire (Isabelle Carré), assureur, Laurent, le singulier vétérinaire (Benoît Poelvoorde), venu déclarer un sinistre. Celle qu’exerce sur le spectateur ce film troublant et son duo d’acteurs étonnants. C’est bientôt Noël, c’est à Lille et un tueur en séries sévit depuis quelques jours. Leur rencontre se déroule a priori dans un cadre anodin mais peu à peu la quotidienneté va laisser la place à l’étrangeté d’une relation magnifiquement tragique...
Progressivement, la caméra vacille et bascule avec Claire dans l’inéluctable, l’inénarrable. Progressivement elle va se retrouver aussi fragile qu’un animal blessé entre ses mains. Des mains qui soignent. Des mains qui tuent peut-être. Des mains qui hypnotisent. Poelvoorde incarne ici ce fauve face à son animalité, ce prédateur de femmes, qui comme les lions qu’il soigne fascinent et effraient. Telle est aussi Claire, (parfaite Isabelle Carré) fascinée et effrayée, blonde hitchcockienne dans l’obscurité tentatrice et menaçante, tentée et menacée. Guidée par une irrépressible attirance pour cet homme meurtri, peut-être meurtrier. Cet homme qui ne cherche pas le bonheur. Juste l’instant. Comme celui de leurs mains qui se frôlent ; de leurs silences et leurs fêlures qui les rapprochent, hors de leur tragique ou quotidienne réalité. Encore une fois Anne Fontaine explore l’irrationalité du désir avec subtilité et avec un salutaire anticonformisme. Benoît Poelvoorde, bouleversant, bouleversé, sidérant, exprime avec nuance l’ambivalence de ce personnage qui tue et donne à Claire le sentiment d’être vivante, qui devrait nous répugner et dont nous comprenons pourtant, (grâce au jeu des deux comédiens et grâce une subtile mise en scène centrée sur les silences et les regards) l’irrépressible sentiment qu’il inspire à Claire qui se met à chanter, à danser. A exister. Anne Fontaine dissèque brillamment chaque frémissement, chaque tremblement dans cette tranquille ville de Province soudainement en proie à la violence comme la tranquille Claire est en proie (la proie aussi) à celle de ses désirs. Les regards hésitants, égarés, déstabilisants, déstabilisés, de Poelvoorde, expriment une pluralité de possibles, l’impensable surtout. L’amour impossible est ici en effet amour impensable. Un film effroyablement envoûtant, dérangeant. Captivant. Fascinant, définitivement.
Voir en ligne : Le film "fascinant" de la semaine : "Entre ses mains" d’Anne Fontaine
frisette55 7 octobre 2005
Entre ses mains - Anne Fontaine - critique
J’ai été extrêmement impressionné par la qualité de jeu de Poelvoorde et Carré... Bravo !