Langue de pute
Le 6 janvier 2004
La puissance érotique et dramatique de la parole dans une mise en scène qui laisse magnifiquement flotter l’imaginaire du spectateur.


- Réalisateur : Anne Fontaine
- Acteurs : Fanny Ardant, Emmanuelle Béart, Wladimir Yordanoff, Gérard Depardieu, Judith Magre, Évelyne Dandry, Ari Boulogne
- Genre : Comédie dramatique, Romance, Érotique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Mars Distribution
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 27 septembre 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 7 janvier 2004

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Résumé : La quarantaine, Bernard et Catherine forment un couple stable et sans histoire... Jusqu’au jour où Bernard manque sa fête d’anniversaire et où Catherine découvre qu’il la trompe. Frasque sans conséquences pour Bernard, cette infidélité chamboule tout l’univers de Catherine. Pour se venger, elle engage une prostituée, Marlène, pour coucher avec son mari. Elle fait d’elle Nathalie et exige qu’elle lui raconte tous les détails de son histoire avec Bernard.
Critique : Filmer le triangle amoureux, la crise de la quarantaine dans le couple ou l’infidélité n’a a priori rien d’original ; Anne Fontaine s’y est d’ailleurs déjà essayée avec brio dans Nettoyage à sec ou Les histoires d’amour finissent mal... en général. Mais Nathalie se situe au-delà de la vengeance ou de la douleur de la femme trompée et aborde la question de la reconstruction, de la quête d’identité par le désir et le fantasme. En faisant appel à trois "monstres sacrés" du cinéma français, la réalisatrice dépasse le thème sulfureux des amours tarifées pour mettre en scène la puissance érotique, perverse et dramatique de la parole.
Car Marlène/Nathalie n’est pas une simple prostituée, c’est une conteuse née : elle possède ce don d’exalter les choses et les sensations. Elle sait susciter un trouble vertigineux chez Catherine lorsqu’elle verbalise ses émotions sexuelles : l’étrange relation qui se noue entre les deux femmes se complexifie et s’intensifie sur fond de manipulation. La fragilité de l’une répond à l’érotisme de l’autre, les non-dits s’opposent violemment à la crudité de certains monologues (puisque Nathalie ne montre rien, mais raconte tout) : le spectateur évolue sur une corde raide, dans un état semi-hypnotique, entre doute, frustration et excitation.
Plus qu’un film, Nathalie se regarde comme une expérience cinématographique et intime. Cinématographique d’abord car Anne Fontaine filme le sexe comme on l’a rarement fait, sans le représenter de manière littérale, simplement en laissant flotter l’imaginaire, et ce, grâce à au jeu sobre et juste des trois interprètes. Une expérience intime enfin, car Nathalie interroge chacun sur sa propre solitude et ses désirs d’accomplissement.