Le 30 juin 2019
- Date de sortie : 30 août 2018
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
La lutte des classes dans sa version romanesque. Un roman percutant, qui vise juste.
Résumé : " Les gosses de riches gueulent en riant plus fort " Qu’est-ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire ", ritournelle en scie, scie qui vrille mes tympans, implante une graine de haine qui vient se loger très profond dans mon crâne loin après le cortex. " Pour payer ses études, elle enchaîne les petits boulots tout en cherchant quelque chose qui serait une place. Elle n’envie pas ces jeunes qui, d’un claquement de doigts, obtiennent tout de leurs parents. Ils n’ont de cesse de lui rappeler qu’elle est l’Autre. Mais il n’y a pas de neutralité possible. À force d’humiliations, le mépris s’inverse. La violence devient dignité. Et la colère monte, jusqu’à se changer en haine pure. Désintégration est l’histoire d’une femme qui sait qu’un regard peut tuer. D’une combattante habitée par la honte, et qui transforme la honte en arme de guerre. C’est un roman sur le sexe, le pouvoir, le succès. Et la fierté comme moyen de survie.
Notre avis : Si la tradition littéraire a majoritairement mis à l’honneur des personnages riches, souvent de milieux sociaux nobles ou bourgeois, depuis de nombreuses années maintenant, ceux à qui on ne donnait pas la parole l’ont reprise. A l’instar de romanciers comme Virginie Despentes ou même Edouard Louis, pour ne citer qu’eux, la voix populaire trouve ses dignes représentants, et verbalise cette rage qui habite les oubliés, les non-représentés.
Ces oubliés, l’héroïne d’Emmanuelle Richard en fait partie. Jeune femme issue d’un milieu modeste, ni pauvre, ni riche, appartenant à cette classe moyenne qui possède à peine assez d’argent pour vivre, et encore moins pour consommer, qui se retrouve souvent étouffée par les dettes, mais évite de justesse l’interdit bancaire. C’est au sein d’une famille de ce type qu’a grandi l’héroïne du roman et c’est malheureusement dans ce schéma qu’elle commencera sa vie, avant de publier son premier roman, et quitter cette sphère de la précarité.
Partie à Paris faire des études de lettres, elle va rapidement se confronter à la dureté de la vie et va devoir enchaîner les emplois précaires, pour pouvoir subvenir à ses besoins et continuer à étudier la littérature. On pourrait d’ailleurs voir une forme d’ironie quant au choix d’étudier les lettres, lorsqu’on sait que les œuvres aux programmes privilégient des auteurs ou des textes écrits par et pour des bourgeois. A Paris, l’héroïne est en colocation avec des fils de, jeunes, beaux et riches pour qui les fins de mois ne sont pas angoissantes, pour qui rien n’est impossible. S’ils la tolèrent comme colocataire, ils ne vont pourtant jamais l’accepter en tant qu’amie, n’auront de cesse de la rabaisser, devant son manque de culture, son manque de style, mais aussi ses difficultés à communiquer. En effet, elle ne comprend pas leurs codes, comme si elle était confrontée à une autre culture, celle de la classe dominante. A de nombreuses reprises, elle relate les soirées qu’ils organisent, soirées pendant lesquelles elle ne parvient pas à se lier, ou ils lui font sentir qu’elle est de trop.
Pourtant, loin de plier l’échine, elle va se battre, tout au long du roman contre cette classe dominante qui l’écrase, qui l’ignore, qui ne veut pas d’elle. Si le style du roman est assez âpre, il est à l’image du roman et de son héroïne, en tension constante. Plus le roman avance et plus la rage se fait sentir, au début sourde, elle se fait de plus en plus virulente et la violence qui était au départ symbolique, devient un fantasme de plus en plus envisageable pour l’héroïne qui étouffe. Cette rage, on la retrouve d’ailleurs dans la liste des chansons qu’Emmanuelle Richard cite à la fin de son roman. Si on trouve majoritairement des rappeurs comme PNL, Damso ou encore Kaaris, il n’y a rien d’étonnant.
En effet, leurs textes sont à l’image du roman, mais plus généralement de la violence que subissent les plus précaires. Le rap, comme la littérature, ou encore le cinéma tentent de redonner la parole à cette partie de la population, majoritaire, pourtant muselée.
Avec ce roman, Emmanuelle Richard crache sa rage à la face du monde, dans un style cru, mais pudique. Son roman sonne juste, ne cède jamais au pathos au misérabilisme, s’avère une critique presque clinique de la France actuelle.
Désintégration - Emmanuelle Richard
208 pages
14 x 1,7 x 20,5 cm
Editeur : L’Olivier
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.