Gare au Gorille
Le 3 juin 2005
Dans les décombres de la musique pop contemporaine, les Gorillaz reviennent changer la donne avec un brillant deuxième opus, Demon days.
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Avant que l’industrie du disque ne transforme définitivement la pop en déchetterie toxique, on pourra encore compter sur Gorillaz pour mettre un joyeux bazar au jeu des chaises musicales. Avec le très attendu Demon days, le jeu pourrait tourner court très rapidement : quatre personnages fictifs plus réels et pertinents que tout ce qu’on nous impose comme "nouvelles stars", viennent une fois de plus de deviner le futur. La prophétie est formelle : à la fin, il ne restera plus qu’eux.
Il y a quatre ans, Gorillaz sortait de la brume pour balayer les décombres de la musique pop en proposant un cocktail inédit : des personnages créés de toute pièce jouant une musique hybride mâtinée de hip-hop, soul, dub et pop. De manière parfaitement insouciante, le groupe imaginé par Jamie Hewlett (la bande dessinée Tank girl) et Damon Albarn (l’incontournable étoile britpop Blur), qui était à l’origine un coup d’essai destiné à éponger la créativité débordante de l’indolent Damon, devient rapidement une entreprise des plus juteuses : le projet cartonne, le premier simple, Clint Eastwood, séduit un public extra-large avec son imagerie mi-enfantine mi-gothique, le groupe tourne triomphalement dans le monde entier. Bref, une jolie success story tout à fait inattendue, dont on murmure déjà qu’elle aura une suite. Oui mais, que peut-on raconter de plus quand on a déjà tout dit sur la vanité de ce bas monde ?
Hélas, ce n’est sans doute pas l’inspiration qui a dû manquer aux trublions de Gorillaz. Les quatre années qui séparent le premier opus du nouveau, Demon days, ont été riches en rebondissements pour le moins, euh, apocalyptiques : 11 septembre, conflit irakien, crispation des nouveaux antagonismes - l’axe du mal & co. Le projet, déjà très politique à l’origine, ne pouvait ignorer ces nouveaux chapitres chaotiques. On retrouve donc tout naturellement les échos sombres de ces "jours démoniaques" dans le nouveau Gorillaz : beats syncopés fournis par le brillant producteur Danger Mouse, pop désenchantée sur le point de rupture (Last living souls et Feel good inc), avec quand même une sérieuse envie d’en découdre avec le cynisme ambiant - le rap qui clôture Dirty Harry est ce que le groupe a commis de plus violent, de plus irréparable à ce jour. Attention cependant, il ne s’agit pas de tomber dans une leçon de géopolitique glauque : si le voile est déjà tombé sur l’âge de l’innocence, les derniers feux peuvent encore servir à réchauffer les jambes ; le groupe continue donc de distraire et de faire danser - les bombes D.A.R.E et Dirty Harry - tout en affinant un propos plus engagé (O’green world et sa ritournelle écolo) ou encore la fable Kids with guns.
En réussissant à concilier des extrêmes aussi contradictoires, on se dit que Gorillaz ne se contente plus de jouer les singes savants : le projet cartoon des débuts a définitivement gagné en âme et s’est engagé, sous un vernis ouvertement commercial, dans de nouvelles et fascinantes pistes musicales. Le Gorille s’est réveillé et cela va faire très mal.
Demon Days, Gorillaz (Parlophone/Capitol)
Tracklisting :
1 Intro
2 Last living souls
3 Kids with guns
4 O green world
5 Dirty harry
6 Feel good inc
7 El manana
8 Every planet we reach is dead
9 November has come
10 All alone
11 White light
12 Dare
13 Fire coming out of the monkey’s head
14 Don’t get lost in heaven
15 Demon days
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