La préhistoire des mythes
Le 4 novembre 2020
- Date de sortie : 1er octobre 2020
- Durée : 384 pages
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
Si le sujet est passionnant, la rigueur scientifique prévaut dans ce livre, rendant sa lecture ardue. L’approche novatrice du chercheur récompense cependant la découverte progressive. A découvrir petit à petit, en s’accordant des pauses entre chaque chapitre.
Résumé : Pourquoi les mythes, aux quatre coins de la planète, sont-ils semblables ? Ceux qui racontent la naissance du Monde, de la Lune, du Soleil ? Ceux qui ont une haute portée symbolique et incarnent le Mal, le Bien ou le Pouvoir ? Julien d’Huy, docteur en Histoire, adopte la méthode scientifique des biologistes pour démontrer les troncs communs aux cosmogonies humaines.
Critique : L’Humanité évolue en racontant des histoires. Julien D’huy cherche à comprendre les origines des grands mythes, ceux que l’on retrouve dans plusieurs cultures, sur divers continents. Traditionnellement, la recherche sur ces grandes histoires s’opère dans le champ de la littérature comparée. Mais qu’apprend-on lorsqu’on utilise les méthodes de classification du vivant, pour comparer les mythes ?
C’est cette approche que défend Julien d’Huy, en choisissant d’étudier sous la forme d’arbres phylogénétiques, avec des racines communes, des branches qui se rejoignent, qui s’entremêlent, se confondent même pour mieux en saisir l’origine.
Le livre est la démonstration globale de cette intuition. Pour mieux illustrer les ramifications de son analyse, l’auteur choisit d’associer chaque partie à un élément : la terre, le feu, l’eau, l’air, auxquels se rattache le thème des histoires fondatrices étudiées. On approche ainsi le récit fabuleux de Polyphème, le cyclope dans la mythologie grecque, rendu aveugle par Ulysse et ses compagnons. Cette légende sert de socle à la présentation de la méthode scientifique : la comparaison, les versions connues, la traduction, la variabilité et enfin les arbres qui les classifient. Comment ces arbres sont-ils construits et à quoi ressemble l’arbre de Polyphème ? Le choix de ce mythe provient à la fois de sa notoriété et de ses traces dans les littératures ou traditions orales de différents peuples. Sa capacité à être parvenu jusqu’à une époque récente démontre son importance dans l’évolution de l’Humanité.
L’essai comporte des interludes, comme un fil rouge, autour du serpent et des évocations qui lui sont associées. Ces respirations bienvenues dans la lecture permettent de mieux comprendre la démonstration qui s’est opérée au chapitre précédent : elles illustrent concrètement l’application de la méthode.
Un chapitre est consacré aux mythes matriarcaux et pose la question de la nécessité de se libérer des histoires afférentes, telle que la tradition nous les transmet, afin de ne pas cloisonner sa pensée à une filiation patriarcale. Cette réflexion, au détour d’une classification des mythes primitifs qui donnent le pouvoir aux femmes, est particulièrement intéressante, dans la mesure où elle invite le lecteur à prendre du recul avec la morale des récits, avec l’habitude de les connaître, avec la nécessité de les interpréter de nouveau. Ce questionnement permet ainsi de se mettre à distance avec ce qui s’en dégage, pour mieux se concentrer sur l’objet de l’étude : appréhender le monde tel qu’il était alors, au moment où celles et ceux qui ont créé ces narrations évoluaient dans leur environnement. On retrouve alors le travail d’historien, consacré à mieux connaître le passé pour se saisir du présent.
La lecture reste technique, malgré l’intérêt puissant de son contenu. La démarche exposée dans ce livre retient singulièrement l’attention, par son approche mêlant différentes disciplines : la biologie, l’histoire et la littérature. Mais il s’agit d’un ouvrage pionnier : l’auteur est souvent obligé de se référer à ses précédents travaux et il n’y a pas beaucoup d’autres voix que la sienne pour exclure des biais qu’il n’aurait pas identifiés. Ce livre reste donc celui d’une méthode, certes remarquables, mais à éprouver, à approfondir, pour vérifier si elle passe, tel un mythe, l’épreuve du temps et des adaptations.
Préface de Jean-Loïc Le Quellec
Collection : SH / Sciences sociales du vivant
22€
Format : EPUB 15,99€
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