Prenez un grand flandrin mal embouché et un petit rondouillard ombrageux, mettez-les en même temps dans la marmite littéraire. Que croyez-vous qu’il en sort ? Un volumineux courrier, pardi ! Enfin, plus volumineux pour l’irascible Raymond Guérin que pour Henri Calet, épistolier à la petite semaine. La disproportion est cocasse entre les longues bafouilles de l’un et les réponses souvent minimalistes de l’autre. Mais nous en apprennent des tonnes sur ces deux auteurs représentant, chacun dans son genre, ce que la littérature de l’entre-deux-guerres et de l’immédiat après-guerre a produit de meilleur. L’entreprise de réhabilitation de Calet par Le Dilettante l’a sorti de l’oubli. Pour Guérin, dont Le Dilettante a également republié deux ouvrages, la puissante biographie de Jean-Paul Kauffmann, 31, allée Damour, l’a remis récemment sur les rails. Ce recueil de correspondance, excellemment présenté et annoté par Jean-Pierre Baril, vient donc à point nommé pour éclairer deux œuvres auxquelles il est difficile de trouver des points communs, sinon qu’elles furent méconnues du vivant de leurs auteurs et que tous deux faisaient partie de l’écurie de Jean Paulhan chez Gallimard. D’un côté la rage et la fausse modestie de Guérin, de l’autre l’air de ne pas y toucher et le ton pince-sans-rire de Calet. Deux façons d’envisager la vie presque antinomiques mais qui, réunies, produisent un parfum tout aussi effervescent que réfractaire, celui d’une époque, et, surtout, celui de l’amour et du respect pour un art nommé littérature.