Vérité cinéma ?
Le 2 mars 2012
Expérience cinématographique de cinéma vérité à la fois aboutie et totalement ouverte, le film de Jean Rouch et Edgar Morin sur l’été français de 1960 n’a pas pris une ride.
- Réalisateurs : Jean Rouch - Edgar Morin
- Acteurs : Marceline Loridan, Jean-Pierre Sergent, Nadine Ballot, Régis Debray, Marilù Parolini
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h26mn
- Date de sortie : 20 octobre 1961
- Plus d'informations : http://www.editionsmontparnasse.fr/...
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– Prix de la critique internationale – Cannes 1961
– Sélection officielle – Cannes Classics 2011
– Film restauré en 2011 par la Cineteca di Bologna.
– Reprise en salles le 19 octobre 2011
– Sortie DVD : 6 mars 2012
Expérience cinématographique de cinéma vérité à la fois aboutie et totalement ouverte, le film de Jean Rouch et Edgar Morin sur l’été français de 1960 n’a pas pris une ride.
L’argument : Paris 1960. Alors que la guerre fait rage en Algérie et que le Congo lutte pour son indépendance, Edgar Morin, sociologue, et Jean Rouch, cinéaste et ethnologue, vont enquêter sur la vie quotidienne de parisiens pour tenter de comprendre leur conception du bonheur…
- Chronique d’un été - Marceline Loridan aux Halles
Notre avis : Produit par Anatole Dauman, Chronique d’un été est un des rares exemples de film fait à deux, le sociologue Edgar Morin ayant suggéré au cinéaste-ethnographe Jean Rouch de tourner, après Les maîtres fous et Moi un noir, un film enquête sur les blancs où l’on poserait à des personnages de différents milieux sociaux et en fin de compte au spectateur la question : Comment tu te débrouille avec la vie ?
En se filmant eux mêmes (par exemple en train de déambuler dans les salles du Musée de l’Homme) exposant ou commentant leur projet (non sans quelques tiraillements et divergences d’opinion), en envoyant Marceline Loridan et Nadine Ballot interroger les passants dans d’amusantes séquences de micro-trottoir, mais surtout en s’adressant directement à leurs protagonistes et en leur demandant de s’exposer, de mettre en scène leur propre vie, Rouch et Morin ne cherchent jamais à cacher le dispositif mais affichent au contraire le côté expérience in vivo de l’entreprise.
- Chronique d’un été - Jean Rouch et Edgar Morin au Musée de l’Homme
Il en résulte un formidable concentré de cinéma vérité qui cherche la vérité objective et subjective (Morin), un psychodrame où Chacun s’est exprimé tout en prenant un masque qui ressemble beaucoup à son propre personnage et dont chacun, y compris le spectateur, sort forcément changé.
Car ces personnages qui s’adressent les uns aux autres ou à nous directement, ne reculant pas parfois devant l’exhibitionnisme et la mise en danger, ne peuvent que nous toucher profondément et nous impliquer intimement dans le processus de fonctionnement du film.
Cela rend par moments la vision légèrement éprouvante et le rejet violent d’une des spectatrices-actrices à l’issue de la projection aux participants (discussion filmée et insérée dans le film comme partie intégrante de l’expérience tentée) en témoigne de manière éloquente.
- Chronique d’un été - Marilù Parolini
Rouch lui-même était, d’après les témoignages, oppressé par l’atmosphère tendue du tournage et c’est lui qui prit la décision d’emmener toute l’équipe à la mer (à Saint Jean de Luz, puis à Saint Tropez), cette échappée bienvenue apportant au film la respiration et la légèreté qui, de Jaguar à Cocorico Monsieur Poulet, font le charme irrésistible de son cinéma.
Tout en restant extraordinairement actuel, Chronique d’un été fait percevoir aussi, de manière étonnamment aigüe et prenante, l’atmosphère de la France en vacance de l’été 1960. Une atmosphère plombée bien sûr par la Guerre d’Algérie (qu’aucun autre film de l’époque n’évoque à notre connaissance avec une telle franchise) mais qui fait pressentir aussi, notamment dans les discussions entre jeunes intellectuels et ouvriers, les germes encore timides de mai 68.
Cinquante ans après sa réalisation, l’expérience cinématographique à la fois aboutie et totalement ouverte de Rouch et Morin est aussi stimulante qu’au premier jour.
Le DVD
- Chronique d’un été - Le DVD
Les Editions Montparnasse proposent en DVD, à partir du 6 mars 2012, le film de Rouch et Morin dans la version admirablement restaurée par la Cinémathèque de Bologne en lui adjoignant un passionnant documentaire.
Les suppléments
Un été + 50 : ce documentaire passionnant, réalisé par Florence Dauman, est sorti en salle le 19 octobre 2011 en même temps que la version restaurée de Chronique d’un été. Il permet réellement d’approfondir et d’affiner la perception du film en nous donnant accès à de nombreuses séquences inédites et à des entretiens, tous captivants, réalisés en 2010 : Edgar Morin, Marceline Loridan, Debray, Nadine Ballot... ils sont presque tous là.
Dans les séquences inédites on verra par exemple Jacques Rivette à la rédaction des Cahiers, Nicole Berger s’entretenant avec Landry et Nadine Ballot sur la plage à Saint-Jean-de-Luz, une version beaucoup plus complète et explicite de la discussion animée sur la guerre d’Algérie, une scène de rupture au bord de la mer entre Jean Pierre et Marcelline, retirée soi-disant par qu’elle ressemblait trop à L’avventura, qui met bien en évidence l’aspect mis en scène de l’ensemble.
La plus belle de ces découvertes est peut-être la montée in extenso et en durée réelle de l’escalier du Petit Clamart par Angelo rentrant de l’usine Renault, une scène que Rouch regrettait d’avoir dû raccourcir pour la version destinée aux salles.
Bref, même si elles n’apportent pas d’éclairage totalement nouveau sur un film qui contient sa propre exégèse, ces 72mn s’avèrent tout à fait indispensables !
Image
Une fois de plus l’Immagine Ritrovata, le laboratoire de la Cineteca di Bologna, a effectué un travail de restauration numérique exemplaire, supervisé par le cinéaste canadien Michel Brault, un des chefs opérateurs du film.
La différence reste sensible entre les séquences tournées en 35mm (par Raoul Coutard) et celles, les plus nombreuses, filmées en 16mm puis gonflées, mais aucune scorie n’affecte le confort de vision et le transfert video est à peu près irréprochable.
On recommandera donc vivement cette édition largement supérieure à celle, déjà remarquable, d’Arte France Video (2005).
Son
Enregistrée pour une grande part en son synchrone au moyen d’un Nagra relié à la caméra 16mm, la bande son mono, également restaurée, reste affectée d’un léger souffle qui ne gène en rien la compréhension, même dans les interventions à plusieurs voix.
* Signalons que conjointement à Chronique d’un été, les Editions Montparnassse sortent en DVD un autre film de Jean Rouch Madame l’eau (1992) dont nous ne manquerons pas de rendre compte très prochainement.
Galerie Photos
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