Le 12 décembre 2018
Une rareté méconnue de René Clair, petite merveille de féerie et de fantaisie.
- Réalisateur : René Clair
- Acteurs : Linda Darnell, Dick Powell, Jack Oakie, Edgar Kennedy, John Philliber
- Genre : Comédie, Fantastique, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Théâtre du Temple
- Durée : 1h24mn
- Reprise: 12 décembre 2018
- Titre original : It Happened Tomorrow
- Date de sortie : 19 septembre 1945
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Résumé : Un journaliste new-yorkais reçoit chaque jour de façon inexplicable le journal du lendemain. Il profite de la situation et coiffe sur le poteau des scoops de tous ses confrères. Jusqu’au jour où il découvre son nom dans la rubrique nécrologique.
Critique : C’est arrivé demain est l’avant-dernier des sept films que René Clair tourna à Hollywood. Son accueil fut mitigé, aux États-Unis comme en France (malgré deux nominations aux Oscars dans les catégories musique et son), et sa réputation d’ouvrage mineur persista longtemps, à l’instar de ses autres métrages américains. On considérait que l’auteur de À nous la liberté et 14 Juillet, perçu pendant des décennies comme le plus grand cinéaste français, perdait un peu son âme aux États-Unis, reproche formulé également à Jean Renoir ou Fritz Lang. Avec le recul, ces réserves semblent peu fondées. Car bien au contraire, tandis que l’œuvre française de René Clair paraît rétrospectivement inégale voire académique, surtout celle des années 50 (Les Grandes manœuvres), son passage à Hollywood montre un auteur en pleine énergie créatrice et réussissant à imposer un style dans le cadre formaté de l’usine à rêves.
C’est le cas de C’est arrivé demain, coadapté avec Dudley Nichols (scénariste de Ford et Hawks), d’après un roman de l’oublié Howard Snyder. A l’origine, c’est Frank Capra qui devait réaliser le film. Et il vrai que cette fantaisie fantastique n’est pas sans évoquer l’univers de La Vie est belle (1946), par son entrain optimiste mais aussi son ton amer, en cernant le parcours d’un personnage combatif dans un environnement hostile. Il s’agit en fait d’une atmosphère et d’un leitmotiv qui ont imprégné maints films américains de la décennie (on pense aussi aux Voyages de Sullivan de Preston Sturges). René Clair greffe ce cadre à son inspiration récurrente, le surnaturel et les événements occultes qui scandent la narration de C’est arrivé demain rappelant le caractère onirique de nombre de ses œuvres, du Fantôme du Moulin-Rouge (1925) aux Belles de Nuit (1952), en passant par La Beauté du Diable (1950).
Ce qui n’est pas étonnant pour un réalisateur qui a flirté avec l’avant-garde surréaliste à ses débuts (le court-métrage Entr’acte, 1924). Et l’on ne peut que louer l’audacieux décalage temporel au cœur d’un récit qui, sous apparente légèreté, annonce les narrations en abyme de La Jetée de Chris Marker ou Memento de Christopher Nolan, le tout baignant dans une féerie que ne bouderont pas les fans du Woody Allen de La Rose poupre du Caire ou de Un jour sans fin de Harold Ramis. Et en éternel nostalgique de la puissance visuelle du cinéma muet, René Clair manie l’art du slapstick avec dextérité, comme l’atteste la poursuite finale suivie du combat sur les toits d’un hôtel de luxe. Le film est enfin l’occasion de (re)découvrir le talent et la beauté de la piquante brune Linda Darnell, qui tourna aussi pour Mankiewicz et Preminger. On sera par contre plus réservé sur le jeu de son fade partenaire Dick Powell, à qui il manque la profondeur d’un James Stewart, et l’on déplorera le cabotinage des seconds rôles, tel le tonitruant Jack Oakie. Le film ressort dans une belle version restaurée à l’initiative du distributeur Théâtre du Temple.
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