Le 4 décembre 2022
Le troisième long métrage parlant de René Clair est un hymne à la liberté et la rêverie, tout en dénonçant les conditions de travail industrielles. Un film important pour ses innovations visuelles et sonores.
- Réalisateur : René Clair
- Acteurs : Maximilienne, Raymond Cordy, Paul Ollivier, Marguerite de Morlaye, Germaine Aussey, Henri Marchand
- Genre : Comédie, Musical, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution , Films Sonores Tobis
- Durée : 1h35mn
- Reprise: 14 décembre 2022
- Titre original :
- Date de sortie : 18 décembre 1931
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– Reprise en version restaurée : 14 décembre 2022
Résumé : Louis est devenu chef d’entreprise, à la tête d’usine de phonographes. Sa vie prospère n’a pourtant pas toujours été son quotidien : ancien détenu, il a réussi à s’évader grâce au sacrifice de son ami Émile. Ce dernier, libéré bien des années après, ne sait pas ce qu’est devenu Louis mais sa rencontre avec une jeune femme travaillant dans une de ses usines va le conduire droit vers son ancien compagnon de cellule pour des retrouvailles bien particulières...
Critique : 1931 est une année prolifique pour René Clair. Un an après Sous les toits de Paris, il réalise successivement Le million et À nous la liberté. Avec Quatorze juillet, ces films ont consacré sa réputation de maître du cinéma français de l’époque. Pourtant, René Clair était sceptique face à l’arrivée du parlant. Lui qui avait brillé dans les années 1920 avec Entr’acte ou Paris qui dort faisait partie des réalisateurs qui, à l’instar de Stroheim ou Chaplin, assimilait cette innovation à une régression artistique. Il faut dire que la lourdeur des nouveaux matériels n’était pas propice aux mouvements de caméra, les productions du début des années 30 étant souvent réduites à l’adaptation figée de pièces de théâtre (mélo, boulevard) ou de spectacles musicaux « enregistrés ». Comme pour les trois films précités, le cinéaste trouve sa voie en réalisant un film sonore inspiré des principes du muet. Peu porté sur les dialogues, René Clair (auteur du scénario) préfère mettre en avant la musique et les chansons, même si ces dernières sont surtout prépondérantes dans la première partie. Le spectateur de 2022 découvrant l’artiste risque fort d’y voir un précurseur de Demy, quand bien même Clair fut dénigré par les défenseurs de la Nouvelle Vague : des prisonniers qui confectionnent des jouets en chantant et revendiquant « à nous la liberté », créent d’emblée un décalage, qui deviendra pourtant la norme dans de nombreuses productions des années 1930.
- © Tamasa Distribution
La musique couvre en outre plusieurs passages dialogués ou échanges mouvementés : c’est le cas des bagarres dans l’usine ou des courses-poursuites finales. Clair privilégie, on l’aura compris, le sens visuel, bien aidé par ses fidèles collaborateurs, le directeur de la photo Georges Périnal, et le décorateur Lazare Meerson. La reconstitution, froide et géométrique, d’un centre pénitencier, ou d’une usine de gramophones, est à cet égard saisissante, et bien servie par des cadrages adéquats. À nous la liberté brille aussi par son scénario audacieux. Le réalisateur met en parallèle le quotidien en prison et les conditions de travail dans l’entreprise, cernant l’aliénation, par des tâches répétitives et un manque de considération, Sa critique du tayloro-fordisme et des contraintes de la mécanisation est ici dans le prolongement de Metropolis, et surtout annonce Les temps modernes de Chaplin, qui a toujours reconnu s’être inspiré du film. Et de même que Godard aurait prophétisé mai 68 avec La Chinoise, Clair semble avoir prévu la crise française des années 30 et les espérances du Front populaire. Toujours est-il que le cinéaste avait déclaré : « C’était l’époque où j’étais le plus proche de l’extrême gauche et je souhaitais combattre la machine quand elle devient pour l’homme une servitude au lieu de contribuer, comme elle le devrait, à son bonheur ».
- © Tamasa Distribution
Cet esprit contestataire et libertaire se retrouve aussi dans l’éloge de l’oisiveté et du statut de vagabond, Clair étant ici dans la lignée du Renoir de Boudu sauvé des eaux. Et quand Louis décide de laisser l’usine à ses ouvriers, sa décision est conforme à celle de l’entrepreneur que jouera par Massimo Girotti dans Théorème de Pasolini. L’histoire du cinéma offre des correspondances troublantes... À nous la liberté n’a pas d’acteurs de légende, mais est bien porté par ses deux interprètes, Raymond Cordy et Henri Marchand, qui joueront ensuite des seconds rôles. Reste qu’on peut préférer à cet opus d’autres films de Clair. Les chants sont terriblement datés, de même que certains effets burlesques. C’est toutefois la seule réserve que nous ferons à ce long métrage, qui fait partie des cinq œuvres restaurées de René Clair distribuées dans les salles par Tamasa en décembre 2022.
- © Tamasa Distribution
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