Futuroscopie
Le 23 décembre 2011
La SF façon Lang : splendeur visuelle et modèle de créativité. Le génie à l’état pur.
- Réalisateur : Fritz Lang
- Acteurs : Rudolf Klein-Rogge, Alfred Abel, Heinrich George, Brigitte Helm, Gustav Fröhlich, Theodor Loos, Fritz Rasp
- Genre : Science-fiction, Film muet, Noir et blanc, Dystopie
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : MK2 Distribution
- Editeur vidéo : MK2 Video
- Durée : 1h57mn
- Reprise: 19 octobre 2011
- Date de sortie : 6 février 1927
Résumé : Les maîtres à l’air libre, les travailleurs sous terre : Metropolis, ville du futur, est sous la coupe du tyran Joh Fredersen. À l’occasion d’une rencontre imprévue avec la tendre Maria, son fils Freder découvre l’asservissement du monde d’en bas et prend fait et cause pour les opprimés. Pour se venger du père du jeune homme, le savant Rotwang construit un robot à l’image de Maria, mais à l’âme perverse. Sa présence dans la ville provoquera un déchaînement populaire qui aboutira à un cataclysme. Metropolis s’écroulera. Mais grâce à la vraie Maria, la réconciliation entre ceux d’en haut et ceux d’en bas pourra avoir lieu.
Critique : C’était un des films favoris de Hitler, ce qui valut à Fritz Lang la proposition par Goebbels, en 1933, de prendre la direction du cinéma national-socialiste. Le jour même, il s’exilait en France, puis aux États-Unis. Oublions ce fâcheux parrainage, mais rappelons tout de même que Lang lui-même n’avait pas grande estime pour son scénario (écrit par sa propre épouse, Thea von Harbou). Il détestait en particulier la fin (le dernier carton annonce "Entre le cerveau et les mains, le médiateur doit être le cœur"), qu’il jugeait parfaitement invraisemblable. Le public de l’époque semble lui avoir donné raison : Metropolis fut une monumental échec commercial. Son raccourcissement à plusieurs reprises n’eut pas d’effets plus bénéfiques. Pire, ce charcutage laisse aujourd’hui les cinéphiles orphelins de près d’un quart du film. Sur les quatre mille cent quatre-vingt-neuf mètres de la version originale, seuls un peu plus de trois mille sont parvenus jusqu’à nous. Dans la version "officielle" qui nous est présentée aujourd’hui, les scènes manquantes sont remplacées - heureuse idée - par des cartons explicatifs.
Que dire de l’intrigue sinon qu’on est assez d’accord avec Lang : elle ne brille ni par sa cohérence ni par son originalité. Et pourtant, ces objections sont vite balayées tant Metropolis est un film exemplaire à de multiples points de vue. Techniquement, c’est un véritable tour de force. Le réalisateur allemand à bénéficié des toutes dernières innovations : matériel de prises de vue hyper-sophistiqué, techniques d’animation révolutionnaires, trucages et effets spéciaux en tous genres dont le fameux "effet Schüfftan" - du nom de son créateur -, permettant par jeux de miroirs d’intégrer des maquettes miniaturisées au décor. Ce déploiement de moyens et ces prouesses techniques, auxquels s’ajoute un budget colossal (Hollywood avait coproduit le film avec la UFA) n’aurait pu aboutir qu’à un étalement luxueux si ne s’y était ajoutée la patte de Fritz Lang. Alors en plein dans sa période expressionniste, il est au sommet de son inventivité visuelle. Les plans de génie se succèdent, magnifiquement architecturés, graphiquement parfaits, qu’il s’agisse des images de la ville imaginaire (on voit aujourd’hui encore ce qu’elles apportent, en particulier aux dessinateurs de BD) ou des mouvements de foule d’une géométrie extraordinairement maîtrisée. Le tout servi par un noir et blanc splendide dû à l’exceptionnel travail de restauration de la pellicule. Les acteurs sont au diapason, à condition d’accepter les outrances de jeu inhérentes aux films muets. Mention spéciale à Rudolph Klein-Rogge en savant énigmatique, un fidèle du maître qui incarnera pour lui, à deux reprises, l’inquiétant docteur Mabuse [1]
Avec le recul, il est intéressant d’analyser la peur qu’avait Fritz Lang de la société à venir. Son film a des allures prémonitoires : les événements - prise de pouvoir par les nazis et plus tard stalinisme - donneront par certains côtés raison au cinéaste. Cependant, cette crainte de l’avenir et du progrès, qui trouve sa résolution dans les bons sentiments et la logique paternaliste, brille un peu trop par son aspect ultra-conservateur. Mais n’allons pas chercher des poux dans la tête de celui qui saura, quelques années plus tard, dénoncer de manière fulgurante la nouvelle société allemande dans son Testament du docteur Mabuse (1932). En tout état de cause, Metropolis est une splendeur visuelle et un modèle de créativité. Film immense, il mérite totalement l’honneur d’être inscrit - au même titre que la Neuvième symphonie de Beethoven - au registre "Mémoire du monde" de l’UNESCO.
[1] Dans Le docteur Mabuse (1922) puis Le testament du docteur Mabuse (1932)
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tournezcoupez 25 avril 2012
Metropolis - Fritz Lang - critique
Metropolis est une oeuvre où divers genres cinématographiques sont brassés pour former un classique du cinéma (ou un chef d’oeuvre), sur la condition ouvrière et sur les relations entre les "grands riches" et les "petits ouvriers". C’est tout simplement grandiose !