Le 3 décembre 2022
Un bijou de plus dans l’œuvre de René Clair en ce début du cinéma parlant. Le réalisateur reste influencé par l’art muet (surtout par les effets burlesques) mais s’approprie pleinement les techniques du sonore, notamment par l’usage poétique de la musique.
- Réalisateur : René Clair
- Acteurs : Annabella, Pierre Alcover , Raymond Cordy, Paul Ollivier, Odette Talazac, Armand Bernard, René Lefèvre
- Genre : Romance, Comédie musicale, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution , Films Sonores Tobis
- Durée : 1h30mn
- Reprise: 14 décembre 2022
- Date de sortie : 14 avril 1931
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– Reprise en version restaurée : 14 décembre 2022
Résumé : Michel, un jeune homme criblé de dettes, apprend qu’il a gagné à la loterie. Tous ses créanciers vont enfin cesser de le harceler. Malheureusement, sa fiancée a donné la veste qui contenait le billet gagnant à un étrange vagabond. Une folle chasse au trésor commence.
Critique : Le million fait partie des quatre longs métrages ayant fait de René Clair l’un des plus importants cinéastes français de la première moitié des années 1930, lui qui s’était déjà affirmé comme un maître du muet. Pourtant, René Clair était l’un des plus ardents détracteurs du parlant, contrairement aux dramaturges Pagnol ou Guitry qui y virent un outil pour pérenniser leurs œuvres. Après Sous les toits de Paris (1930), Clair sortit deux longs métrages en 1931, à savoir Le million (le 15 avril) et À nous la liberté (le 18 décembre). Coécrit avec l’auteur dramatique Georges Berr, le scénario du Million est plutôt minimaliste. Michel (René Lefèvre), un brave garçon, artiste fauché, harcelé par ses créanciers, apprend qu’il est millionnaire après avoir gagné à la loterie. Mais sa fiancée Béatrice (Annabella) a donné le veston dans lequel se trouvait le billet à un mendiant, qui n’est plus en possession du vêtement. Les deux tourtereaux vont tâcher de retrouver le veston. Une galerie de personnages pittoresques, comme le bon copain farceur et serviable (Jean-Louis Allibert), ou le chauffeur de taxi espiègle (Raymond Cordy), seront également de la partie.
- © Tamasa Distribution
On retrouve au détour de répliques une certaine satire sociale, quand des commerçants mesquins assimilent les artistes à des voleurs, même si le ton est à la fantaisie et à l’esprit vaudevillesque. En ce sens, Le million annonce un peu la légèreté ironique des Carné-Prévert de Drôle de drame, impression amplifiée par la description des gens de peu, qui préfigure la démarche du réalisme poétique. Et ce d’autant plus que tout est stylisé chez René Clair, du travelling sur les toits de Paris, qui ouvre le film, au Montmartre reconstitué par les décors de Lazare Meerson, en passant par le décalage créé par les chansons et chorégraphies. En fait, René Clair reste influencé par le cinéma muet, lorsqu’il filme des course-poursuites burlesques à la Mack Sennett, ou montre des personnages échangeant des paroles que l’on n’entend pas. La primauté qu’il accorde aux images et au montage, à l’instar de Chaplin, culmine dans la fabuleuse scène où les deux amoureux se retrouvent (mal) cachés sur une scène d’opéra, derrière une partie du décor. En même temps, il s’approprie les possibilités du sonore, la même scène jouant sur le contraste et la similitude entre l’attitude des fiancés, et le chant de séduction entre le gros chanteur et la diva enveloppée.
- © Tamasa Distribution
Surtout, la musique, les chansons et les pseudo-ballets s’insèrent avec harmonie dans le dispositif. Certes, René Clair suit ici une constante du cinéma de l’époque, depuis le succès du Chemin du paradis (1930) de William Thiele et Max de Vaucorbeil. Mais avec le recul, il fait de cette dimension un élément de son art, qui anticipe par ailleurs le Demy des années 60. Le million fut considéré longtemps comme l’un des meilleurs films du cinéma français, avant de tomber dans un relatif oubli. Il faut dire que René Clair faisait partie des cinéastes honnis par les tenants de la doxa sur la Nouvelle Vague. Pourtant, il s’agit bien là du sommet d’un artiste du septième art, même si l’on pourra trouver désuets certains aspects du métrage. C’est le cas du jeu trop théâtral des acteurs, à l’exception de quelques-uns, dont Annabella, qui allait devenir la grande star féminine de la période. Cette réserve n’enlève rien aux qualités d’un film qui fait partie des cinq œuvres restaurées de René Clair distribuées dans les salles par Tamasa en décembre 2022.
- © Tamasa Distribution
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