Le 3 décembre 2022
Premier grand film parlant réalisé par un cinéaste français de référence, cette romance de Paris frappe par ses qualités esthétiques et ses expérimentations sonores.
- Réalisateur : René Clair
- Acteurs : Gaston Modot, Albert Préjean, Raymond Aimos, Pola Illéry, Paul Ollivier, Thomy Bourdelle
- Genre : Romance, Comédie musicale, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution , Films Sonores Tobis
- Durée : 1h33mn
- Reprise: 14 décembre 2022
- Titre original :
- Date de sortie : 28 avril 1930
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– Reprise en version restaurée : 14 décembre 2022
Résumé : Dans un quartier populaire de Paris, Albert, un chanteur des rues, habite dans une chambre sous les toits car il n’est pas bien riche. Il rencontre la belle Roumaine Pola dont il tombe amoureux, mais il n’est pas le seul…
Critique : Réalisateur majeur du cinéma muet, proche du mouvement dadaïste, René Clair abordait son premier film parlant avec Sous les toits de Paris. Produit par la firme franco-allemande Tobis, le long métrage nécessita des moyens financiers importants, en raison du coût du matériel technique et d’une innovation de procédé (le sonore) encore mal maîtrisée par les professionnels. En effet, les caméras du début des années 1930 étaient lourdes et statiques, ce qui entravait les mouvements d’appareils, ceux-ci étant réduits à des outils d’enregistrement de scènes dialoguées. C’est la raison pour laquelle Clair abordait ce tournage avec méfiance, lui qui estimait que l’art cinématographique connaîtrait une régression artistique avec le parlant. Refusant le « théâtre en conserve » (auquel d’aucuns réduiront le cinéma de Pagnol ou Guitry, qui deviendront pourtant de grands réalisateurs), Clair signe lui-même un scénario minimaliste, qui tient en quelques feuillets. Albert, un chanteur de rue, s’éprend de Pola, une jeune Roumaine, mais il se fait incarcérer après un malentendu. Quand il ressort de prison, la belle est en couple avec son meilleur ami. Cette trame basique révèle que le cinéma de Clair ne saurait se réduire au « cinéma de scénariste » auquel l’assimilèrent les défenseurs de la Nouvelle Vague, tant c’est la mise en scène qui fait tout l’art du réalisateur.
- © Tamasa Distribution
Des nouvelles possibilités du sonore, le cinéaste retient surtout l’incrustation de la musique et des chansons, dont la belle ritournelle qui donne son titre au film. On peut penser que Clair a été marqué par l’accompagnement musical des films muets lors de leur projection en salle, tout en se pliant aux nouvelles normes de l’époque qui imposa des chansons dans de nombreux films, du Chemin du paradis (Thiele, Vaucorbeil, 1930) aux comédies romantiques avec Danielle Darrieux. En même temps, Clair reste fidèle à la force des images, contournant la rigidité du matériel par l’usage poétique des cadrages et des travellings, dont ceux qui ouvrent et clôturent le récit. Mais c’est surtout son côté hybride (des résidus du muet, une expérimentation du son) qui fait la force du film. On apprécie ainsi la chaplinesque séquence de la première rencontre entre Albert et Pola, où les scènes filmées de l’extérieur d’une porte ou d’une fenêtre, afin de justifier que l’on ne puisse entendre les dialogues entre les personnages. Et quand une bagarre éclate, c’est le bruit d’un train qui passe qui couvre les propos tenus par les protagonistes, avant que des bribes de phrases ne tentent d’éclaircir un plan filmé dans l’obscurité totale. Avec le recul du temps, ces procédés annoncent aussi les démarches décalées de Tati ou Kaurismäki.
- © Tamasa Distribution
Sous les toits de Paris apparaît également comme le premier jalon du fameux réalisme poétique français, qui trouvera son accomplissement avec des œuvres de Carné ou Duvivier. Les amours déçus des gens du peuple, les petits troquets parisiens ou les manigances de rue échappent au naturalisme pour baigner dans une atmosphère stylisée. Le cinéaste est ici bien épaulé par ses collaborateurs artistiques, dont le décorateur Lazare Meerson et le chef opérateur Georges Périnal. Et même si aucun monstre sacré de la décennie n’est à l’affiche, la distribution tient le coup. Celle-ci est dominée par Albert Préjean, acteur et chanteur que Clair avait dirigé dans Un chapeau de paille d’Italie, et qui sera pendant quelques années une vedette en vue dans ce type d’emploi, avant d’être (presque) balayé par la tornade Gabin. Autour de lui, gravitent une galerie d’interprètes attachants, dont la délicieuse Pola Illéry, le pittoresque Raymond Aimos en titi parigot, ou le solide Gaston Modot en truand. Ce dernier devait être aussi à l’affiche de l’autre film clef (entièrement muet, lui) de cette année 1930, à savoir L’âge d’or de Luis Buñuel. En définitive, Sous les toits de Paris peut être considéré comme le premier grand long métrage parlant important d’un cinéaste français de référence. Il fait partie des cinq œuvres restaurées de René Clair distribuées dans les salles par Tamasa en décembre 2022.
- © Tamasa Distribution
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