Le 11 juillet 2023
Une œuvre étrange, sans doute la plus radicale de Louis Malle, et dont certaines scènes au parfum surréaliste pourront fasciner.
- Réalisateur : Louis Malle
- Acteurs : Joe Dalessandro, Cathryn Harrison, Therese Giehse, Alexandra Stewart
- Genre : Fantastique, Épouvante-horreur, Expérimental, Dystopie
- Nationalité : Français, Allemand
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 1h41mn
- Reprise: 6 septembre 2023
- Date de sortie : 24 septembre 1975
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– Reprise en version restaurée : 6 septembre 2023
Résumé : Alors qu’une guerre entre hommes et femmes éclate, Lily part vivre à la campagne. Elle découvre une maison à l’écart du monde, où vivent d’étranges personnages…
Malavida propose au cinéma le 6 septembre 2023 la rétrospective Louis Malle, "gentleman provocateur partie 3" qui réunit trois restaurations Gaumont, Atlantic City, Black Moon et My Dinner with André, ainsi que Vanya, 42e rue.
Critique : Après l’accueil critique inégal et les polémiques ayant accueilli Lacombe Lucien, Louis Malle parut quelque peu désabusé, malgré le succès public du long métrage. Avec Black Moon, il a souhaité explorer d’autres voies. Certes, depuis le début de sa carrière, chaque nouveau film ou presque s’inscrivait contre le précédent. Mais pour la première fois, le réalisateur s’aventurait dans l’expérimentation fantastique. Loin d’être un petit film intimiste parisien, Black Moon coche toutes les cases de la coproduction internationale : financement franco-allemand, langue anglaise, chef opérateur suédois, interprètes d’origine américaine, allemande ou canadienne… Coécrit avec le peintre Ghislain Uhry avec dialogues de Joyce Buñuel (belle-fille de son beau-père), le scénario fait la part belle à l’étrange, en dépit de deux aspects « rationnels ». D’une part, la référence à la guerre : d’abord celle des genres, dans un contexte de première vague de féminisme des années 1970, dès les premières scènes où des militaires femmes exécutent des hommes ; et la guerre tout court, ici celle du Vietnam. D’autre part, le Malle « témoin de son temps » se refuse toujours à briser la linéarité narrative (aucun flashback, ou plan censé traduire l’inconscient des protagonistes, contrairement à un Resnais). Le récit a en effet un début, un développement et un dénouement, malgré sa singularité. En même temps, à l’initiative de Malle (ou de ses producteurs), on avertit dès le générique le spectateur qu’il ne doit pas chercher une logique à un film qu’il convient d’accueillir comme un rêve, en privilégiant les sensations. Comme si l’on excusait de bousculer le confort du public.
- © Malavida, Gaumont
Car Black Moon est une histoire absolument surprenante, d’une veine surréaliste qui fait écho à L’âge d’or de Luis Buñuel, déjà présenté en son temps, à la censure, comme « le rêve d’un fou ». Une jeune fille, Lily, conduit une voiture en pleine campagne mais son parcours est perturbé par des combats. Cathryn Harrison, mixte de Sissy Spacek et Jodie Foster, le charisme en moins, lui prête ses traits. Elle trouve refuge dans une demeure peu rassurante. Celle-ci appartient à une vieille femme grabataire (Therese Giehse, décédée après le tournage, et à qui le film est dédié). La propriétaire a un comportement bizarre, ne quittant pas sa radio et communiquant dans un langage mystérieux avec un animal. Ses deux grands enfants ne sont pas davantage dans la norme. La fille (Alexandra Stewart, alors compagne du cinéaste) s’attèle essentiellement aux tâches domestiques et agricoles, et se montre guère plus loquace que son frère, un éphèbe introverti (Joe Dallesandro, rescapé des films de Warhol/Morrissey). Aucun des trois membres de cette famille atypique ne souhaite venir en aide à Lily qui assiste, impuissante, à des événements qui la dépassent. Un bestiaire varié (blaireau, rat, serpent, chat, aigle…) décore le dispositif, et une licorne philosophe annonce le renard déclamant « Le chaos règne » dans Antichrist de von Trier.
- © Malavida, Gaumont
Quelque part entre Lewis Carrol et le Lynch de Eraserhead, Black Moon est un ovni filmique, comprenant des séquences difficilement tournables à notre époque où semblent impensables le filmage d’animaux maltraités ou d’enfants nus dans des situations ambigües. Et plusieurs scènes marqueront les esprits, à l’instar de la vieille dame traitée comme un nourrisson, et allaitée par sa fille. Mais Black Moon est surtout une expérience visuelle et sonore. La fascination qu’il pourra exercer doit beaucoup aux couleurs sépia du directeur photo Sven Nykvist (jusque-là collaborateur de Bergman) et au montage de Luc Perini et Nara Kollery : tous trois seront d’ailleurs récompensés lors de la première cérémonie des César, en 1976. Bien qu’insolite dans l’œuvre de Malle, le métrage établit des correspondances avec d’autres films du cinéaste. La descente aux enfers de Lily fait écho au calvaire du dépressif (Maurice Ronet) dans Feu follet ou de la star brisée (Brigitte Bardot) dans Vie privée, le noyau familial en déliquescence rappelle celui du Souffle au cœur, les images de guerre répondent à Viva Maria ! et Lacombe Lucien. La fuite à la campagne qui se déroulait à la fin de ce dernier film se retrouve aussi dans Black Moon, dont les passages de festivité en cadre rural dans un environnement macabre annoncent la farandole autour de la dépouille de la grand-mère dans Milou en mai. Échec commercial à sa sortie, Black Moon déconcerta le public de productions traditionnelles, et ne trouva pas grâce auprès des défenseurs d’un cinéma de la modernité qui ne juraient que par Duras ou Akerman. Il mérite aujourd’hui d’être réévalué, même s’il est permis de ne pas adhérer pleinement à sa démarche.
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