Le 16 août 2024
Autant roman familial que fresque américaine, Bien-être témoigne une seconde fois du talent de Nathan Hill, de son empathie et de son humour, de sa sensibilité à l’ère du temps et de son habilité à se saisir du pays qu’il habite.
- Auteur : Nathan Hill
- Collection : Du monde entier
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction, Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Nathalie Bru
- Titre original : Wellness
- Date de sortie : 22 août 2024
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : À l’aube des années 1990 à Chicago, en pleine bohème artistique, un homme et une femme vivent l’un en face de l’autre et s’épient en cachette. Rien ne semble les relier — elle est étudiante en psychologie, lui photographe rebelle. Mais lorsqu’ils se rencontrent enfin, le charme opère et l’histoire d’amour démarre aussitôt entre Elizabeth et Jack. Ils ont la vie devant eux et, même si leurs rêves et leurs milieux divergent, ils sont convaincus que leur amour résistera à l’épreuve du temps. Mais qu’en est-il vingt ans plus tard ? Une fois que le couple s’est embourgeoisé, qu’il se débat avec un fils tyrannique, que le désir s’éteint à petit feu et que les rêves s’oublient ? L’achat d’un appartement sur plan devient alors le révélateur de tous les désaccords entre Elizabeth et Jack. Au fond, étaient-ils faits l’un pour l’autre ?
Critique : Cet ample roman familial est aussi une fresque qui court sur plusieurs décennies, entremêlant les époques, faisant se répondre révolution numérique et rébellion artistique des années 1990, mal-être parental et hésitations enfantines, prières du Kansas et fulgurante histoire d’amour.
La rencontre entre Jack et Elizabeth, après des mois à s’espionner par fenêtres interposées, est effectivement intense, trop peut-être pour donner naissance à une romance à l’avenir prometteur. Pourtant, le couple qui se forme dans les premières pages de ce livre suit des étapes logiques et attendues – le mariage, la grossesse, la parentalité. Les sentiments s’émoussent, Jack et Elizabeth ne se comprennent plus vraiment, mais ils continuent vaillamment à essayer de faire fonctionner leur mariage, poussés par l’habitude. De même, Jack s’obstine année après année à reproduire ses photographies sans appareil, créées par alchimie, tandis qu’Elizabeth travaille inlassablement sur les effets des placebos. Au-delà de la constance qu’ils recherchent, l’un comme l’autre s’attache au rien, comme le souligne l’un des personnages, ainsi qu’à leur moitié qui compense les manquements de leurs parents respectifs.
Nathan Hill s’appesantit ainsi longuement sur l’un des drames de la modernité, mais aussi sur d’autres, évoquant pêle-mêle Internet et ses algorithmes, le complotisme, la parentalité et la santé publique, sans oublier de les faire entrer en résonance avec le zeitgeist d’hier et d’aujourd’hui, avec un brin d’analyse sociale et de psychologie. En effet, comme l’indique le titre, le sujet premier du récit reste le bien-être ou plutôt le mal-être moderne, maladie inhérente à notre société et imputable à bien des choses que soupèse l’auteur.
Ses deux héros sont vrais, parce qu’ils ont une psyché pleine de nuances, parce qu’ils évoluent dans un contexte et possèdent une histoire qui nous est livrée bribes par bribes, tandis que la temporalité de Bien-être hésite et valse, l’enfance de Jack et d’Elizabeth se substituant soudain aux premiers pas de leur fils, à ses premières colères, puis à celles qui l’agitent toujours une fois l’âge de raison atteint. Le rythme de ce livre de près de sept cents pages ne faiblit pas, malgré l’attention de l’auteur aux détails – les descriptions ciselées et parfois poétiques sont d’ailleurs justement équilibrées par des dialogues vivants et pleins d’allant.
Avec autant d’humour que de gravité, de tendresse que de douce moquerie, l’auteur des Fantômes du vieux pays encapsule toute une vie familiale ici, mais aussi toute une Amérique. Ainsi, les parents de Jack sont des fermiers du Kansas, croyants et taiseux, tandis que ceux d’Elizabeth sont de riches magnats, descendants d’entrepreneurs aux idées plus ou moins douteuses – c’est là l’une des multiples façons dont Nathan Hill parvient à concilier des contraires, à emprisonner tout ce qui fait la richesse des États-Unis, mais ce qui laisse aussi présager leur ruine.
Nathan Hill - Bien-être
Gallimard
688 pages
150 x 215 mm
26 euros
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