La contagion du manque
Le 10 octobre 2005
n deux récits qui se complètent ou s’annulent suivant ce qu’on entendra de leurs silences, Aurélie Zarka saisit les vibrations de l’absence, ses échos, ses motifs. Et de sa plume pointilleuse, qui sait se taire, elle compose le portrait du manque.
- Auteur : Aurélie Zarka
- Editeur : Farrago
- Genre : Roman & fiction
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Dans "Un", le premier récit d’A ton image, la narratrice est une jeune fille trouvée à l’âge approximatif d’un an, et qui ne connaît de sa mère qu’une photo. Pour se construire, savoir de qui et de quoi elle est faite, elle n’a donc que ce qu’elle devine en scrutant les deux centimètres de visage sur papier blessé, usé à force d’être regardé. Quand les traits refusent de se livrer davantage, la narratrice invente, trace des lignes de vie qui sont autant de lignes de fuite. Les visions s’arrêtent à sa naissance, ce mystère indépassable.
Dans "Deux", c’est le père qui se dérobe. D’abord là mais maladroit, presque brutal, il divorce puis s’efface progressivement de l’existence de la narratrice. Dès lors c’est son absence qui prendra toute la place, qui sera une douleur, un moteur et une définition. La jeune femme, pour incarner cet état de perte illégitime - puisque cette perte n’est pas un deuil et que ce n’est pas de sa fille que l’homme a divorcé - imagine son père en Landru, c’est-à-dire en une personne à la fois flamboyante et maudite, et qu’on n’a pas le droit de pleurer.
On navigue ici entre deux maux : être d’une mère inconnue ou d’un père perdu. Ce qui revient, toujours, ce qui flotte au-dessus des flaques de silence, c’est le mal d’être soi, abandonnée donc "inaimable". C’est un vide qu’on promène. On voudra le remplir, ou y disparaître.
Avec ce premier roman dont la structure évoque une collection rigoureuse, entêtée presque, Aurélie Zarka parvient à composer une musique de l’absence : elle distille des pauses, tisse savamment sa toile autour des non-dits, de tout ce qu’elle accepte de ne pas savoir, et le lecteur, accroché, doit faire avec les vides et la frustration. Or c’est avant tout par ce qui manque qu’il est happé. C’est donc que l’auteur fait beaucoup mieux que convaincre, mieux que toucher même : elle contamine.
Aurélie Zarka, A ton image, Farrago, 2005, 122 pages, 15 €
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