Le 9 avril 2016
- Scénariste : Hervé Richez>
- Dessinateur : Efix
- Genre : Roman graphique
- Editeur : Grand Angle
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er novembre 2015
- Durée : 1
12 Rue Royale ou les sept défis gourmands est un plat dessiné qui se mange avec plaisir, mélange dosé de réalité et de fiction...
Résumé :
Mathieu Viannay est le chef du restaurant Lyonnais « La Mère Brazier ». Homme heureux en cuisine et aussi dans la vie, il ne jure que par les produits de saison. Son restaurant a du succès, et peut-être même trop ! Le chef doit se rendre à l’évidence, il faut s’agrandir... Heureusement, son voisin accepte de vendre un local qui lui permettrait d’accueillir plus de client, mais à une étrange condition. Viannay devra réussir sept défis culinaires imposés par cet homme étrange et désagréable. Le chef va-t-il relever les défis ? Va-t-il les réussir ? Et que recherche ce désagréable voisin ?
Notre avis :
Une BD axée sur le goût et l’odorat. On se retrouve donc dans la lignée des thématiques ouvertes par Un Grand bourgogne Oublié scénarisé aussi par Hervé Richez et dont nous vous avons parlé ici.
On retrouve le principe narratif aussi, l’idée de faire vivre à des personnages existants - dans cette BD, le chef Mathieu Viannay et son entourage - une aventure fictionnalisée. Mais dans ce tome, Richez va plus loin. Il pousse la narration hors de la réalité et entraîne son chef, Mathieu Viannay, dans une histoire où fiction et cuisine ont une part équitable.
L’idée des spet défis est excitante sur le papier – et sans doute encore plus dans l’assiette -. Mais, à nos yeux, il manque quelque chose pour que ce récit décolle vraiment. Si la tension est bien présente au début, nous trouvons qu’elle s’atténue trop vite.
En effet, l’enjeu posé est simple : « Tu veux t’agrandir, remporte les défis ». La question se pose, le chef parviendra-t-il à remporter les sept défis ?
Et là, on pourrait rentrer dans l’inquiétude et l’empathie avec l’avatar BD de Viannay.
Le souci est que l’enjeu perd de sa force car l’agrandissement du restaurant n’est pas un objectif fort. En tout cas, pour le personnage présenté. D’ailleurs, s’il continue, cela devient plus car son orgueil et son sens du challenge sont touchés. Mais nous, au fur et à mesure de l’histoire, on n’est plus très inquiet quant à la réussite des défis. L’intrigue se porte plus alors sur les motivations de cet étrange voisin. Et rassurez-vous, elles vous seront dévoilées à la fin de l’histoire.
Et là, en revanche, l’émotion est bien présente avec les clients à qui Viannay doit faire bénéficier de ses prouesses. Les idées originales arrivent et on se prend vite d’amitié pour ces gens perdus, dans le deuil ou la détresse, et pour qui la cuisine peut être un moment de paix, de douceur, d’apaisement. Même s’il n’est que passager, c’est plus que ce qu’ils espéraient trouver. Même si l’humour reste toujours présent, de manière fort discrète - ce qui est très agréable - la tristesse et la douleur ne sont pas absentes de cette BD. Mais ce ne sont pas les émotions que va connaître le chef. Ce sont celles de ses clients d’un repas. Comme si Viannay était le passeur, celui qui nous fait rencontrer tous ces gens et surtout celui qui leur offre l’inattendu et même l’espoir dans un instant simple de bonheur gastronomique.
Mais dans l’ensemble, on s’inquiète peu sur la résolution de l’enjeu. Enfin, passons à un des autres défis de cette BD, nous faire saliver à partir de cases dessinées, sans aucun autre sens que la vision. Une astuce graphique est utilisée sur laquelle nous reviendrons plus bas. Le récit nous propose donc plusieurs situations où le chef doit sortir toutes ses ressources et mettre ses tripes sur la table pour trouver une solution. Comprenez ses tripes au sens figuré, nous ne sommes pas dans le gore ! Les occasions sont nombreuses et la cuisine semble sortir de la tête de Viannay dans un effet de légère fumée.
La réflexion du chef nous entraîne au cœur des aliments. Les préparations culinaires font plus ressortir la magie des doigts de Viannay que la réalité des recettes. Ne vous inquiétez pas, si vous bavez devant les plats du chef, un cahier final vous délivrera des maux d’estomac inassouvis. En effet, après un carnet historique sur la Mère Brazier, illustré de photos anciennes, la BD se termine sur une salve de recettes ! Et figurez-vous que si vous avez l’œil et la mémoire, vous découvrirez les recettes proposées par Viannay lors de ses défis avec des photos tout aussi alléchantes que les images d’un homme imaginatif jonglant avec ses aliments et ses instruments offertes tout au long de la BD.
Et si nous vous parlions du dessin ?
Il a été confié à Efix. Dans la lignée d’Un Gand bourgogne Oublié, nous sommes dans un gris et blanc fort enchanteur – et oui, ne vous fiez pas à la couverture pour les couleurs -.
Efix opte pour un style léger, rond, simple et tendre. Le chef Viannay, si vous ne l’avez jamais vu, vous surprendra quand vous découvrirez les photos du cahier. Son avatar fictif est très sympathique, souriant, enjoué et élancé. Les poses sont expressives, tout comme les visages. On s’attache à toute cette galerie de personnages. Les décors sont présents, balayant parfois de grands espaces mais ils savent savamment et même discrètement s’effacer pour laisser la place au chef et ses efforts insensés pour remporter ses curieux défis.
Les couleurs apparaissent dans ce gris et blanc quand les aliments débarquent. Vous n’oublierez pas de sitôt le contenu de la camionnette de Barnas. Et la couleur est un des moyens de nous rendre palpables la saveur de ces aliments. De même que la légèreté. Légèreté du dessin, certes, mais aussi des mises en situations. Imaginez Viannay flotter, emporté par son imagination au fur et à mesure qu’il trouve ce qu’il pourra concocter. C’est exactement ce que vous verrez. De même, ses bras démultipliés, telle une pieuvre amicale, attrapent, coupent, émincent, déversent, cuisent, assaisonnent tout ce qui lui passe sous la main. Enfin, presque tout, car Viannay ne cuisine que des produits de saison ! Efix parvient à faire frémir vos papilles par de simples images, et par les sourires béats, les bouches salivantes, les regards affamés ou rassasiés de ces personnages.
Le découpage joue sur des planches de trois à six bandes. Mais ces bandes peuvent se subdiviser, se démultiplier pour nous plonger au cœur de l’action. Et surtout, parfois, rarement, une page explose, et vos yeux se perdent dans les grands et petits dessins d’une planche dépourvue de case. Vous suivez une tomate, un regard, une bulle, une extase, vous descendez et soudain, vous remontez le long d’un fumet pour apercevoir encore autre chose.
En-dehors de ces pages folles, vous naviguerez de manière plus habituelle dans des cases souvent tout en largeur, ou à des formats plus fins, ou plus hautes, ce qui casse la monotonie d’une lecture et permet de jouer aussi sur les cadrages. En effet, Efix cadre, on s’en doute, les plats, les hommes, mais de temps en temps, des plongées, des magnifiques plans larges d’une campagne ou de la ville mais dans un but précis qui se dévoile après. Et surtout, ces belles silhouettes en contre-jour ou contre-nuit selon l’heure ; la forme foncée de Viannay se découpe sur la grisaille. Parfois, les yeux restent visibles, et tout d’un coup, une émotion se pointe doucement. Comme la joie de trouver dans une BD qu’on craignait trop classique des jeux d’ombres chinoises qu’on savoure avec plaisir.
12 Rue Royale, pour nous, dispose d’une intrigue travaillée mais qui aurait gagné à plus de profondeur. Néanmoins, cette BD culinaire vous fera passer un bon moment. Et si vous aimez vraiment la cuisine, elle vous offrira même l’occasion de passer derrière les fourneaux avec les recettes offertes ! Et si vous passez par Lyon, vous aurez sans doute l’envie d’aller déguster un bon plat à « La Mère Brazier »...
Zéda et son porte à la table du chef Viannay !
78p - 18,90€
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.