Riders on the Strip
Le 13 octobre 2010
Documentaire, comédie et aventure tour à tour, le nouveau film de Larry Clark est une bizarrerie bancale et étonnante.
- Réalisateur : Larry Clark
- Acteurs : Jonathan Velasquez, Francisco Pedrasa, Milton Velasquez
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : MK2 Video
– Durée : 1h46mn
– Lire notre entretien avec Larry Clark
Documentaire, comédie et aventure tour à tour, le nouveau film de Larry Clark est une bizarrerie bancale, étonnante et détonante dans l’oeuvre du réalisateur de Kids.
L’argument : Un groupe de skateurs-rockers d’origine sud-américaine, la quinzaine à peine, habitué à traîner dans South Central (un ghetto de Los Angeles), skate et musique, glandouille et amourettes, part en excursion dans le L.A. de Beverly Hills, à la recherche d’un bon "spot" pour "rider".
Notre avis : Larry Clark est un drôle de type, un réalisateur sérieusement atypique, qui se fiche pas mal des codes et s’est créé un style, un ton, un univers radicalement particulier en cinq films "chocs", du fantastique mais contesté Kids au très controversé Ken Park, finalement classé X sur nos écrans. Avec Wassup rockers, Clark se calme un peu, mais ne renonce pas à son monde, ce qui ne suffira pas à faire taire ses opposants. La fascination du réalisateur pour les corps adolescents et sa manière de les caresser avec sa caméra dérangent, et font poser de sérieuses questions quant à la libido du monsieur, qui a passé la soixantaine. On retrouve donc ces mêmes gros plans sur les corps, les peaux, les lèvres et les duvets naissant de gamin à la limite de la puberté. Clark ne serait pas Clark sans cette fascination-là, passons. En effet, le réalisateur a toujours placé les préoccupations d’une jeunesse pas dorée au centre de ses films (celle de Bully, confortable financièrement, n’en était pas moins complètement dégénérée). Les ados, a-t-il sans cesse illustré, sont le miroir d’une société américaine malade, paumée, qui abandonne ses gosses à la drogue, au sexe et au sida. Révolution, les p’tits gars de Wassup rockers sont des chics types, qui ne se droguent pas, qui ne boivent pas plus que ça, et qui, s’ils parlent cul eux aussi, ne sont pas des graines de violeurs tortionnaires...
Le premier tiers de Wassup rockers n’est ni plus ni moins qu’un docu-fiction sur la vie de ces jeunes skateurs, leur quotidien de débrouille, de répétitions musicales (leur punk-rock hurlant, qui n’est pas une sinécure pour les oreilles, fournissant les 9/10e de la bande originale...) dans un univers qui leur est hostile (ils s’habillent près du corps et écoutent du rock, là où les gangs de "gangsta rappeurs" en baggy font la loi). Pourtant, loin de rester neutre, Clark glisse çà et là son imaginaire, dans des scènes souvent comiques (les tentatives de suicide grotesques d’un des protagoniste) et parfois douteuses (une petite grosse à appareil dentaire, à tout casser douze ans d’âge, s’offrant à qui veut d’elle...). On craint le pire, le temps semble long, on n’accroche pas forcément à ce récit re-joué par des amateurs, ponctué de sketchs et de séquences de skate (une volonté de filmer les héros dans leurs "exploits" sportifs par ailleurs lassante, pour peu qu’on connaisse les vidéos des pros, autrement plus impressionnantes). Et puis, presque sans prévenir, Clark s’aventure sur le terrain de la comédie sociale grinçante, et son film décolle enfin, titubant mais plutôt convainquant.
En faisant voyager ses héros du ghetto chez les riches de Beverly Hills, le réalisateur opte définitivement pour la caricature, le grotesque, auquel il s’applique à ajouter une dose de suspense et de poésie propre à sa vision torturée de la jeunesse. Aussi, une fois ses "rockers" introduit dans les villas cossues, Clark prend plus franchement le contrôle de son film, et livre quelques beaux morceau de bravoure, certains franchement réussis (une discussion en forme de préliminaires entre un jeune skateur et une fille de Beverly Hills, étonnamment juste et intelligente, voire poétique), d’autres stupéfiants de dérision et d’ironie (une soirée "rose", gay et décadente, qui marque un tournant délirant dans le film), d’autres enfin à la limite du bon goût et douteux comme Clark sait l’être (les jeunes filles de Beverly Hills reluquent les jeunes héros comme des actrices de film porno, et se comportent tout comme). Ainsi assiste-t-on à une sorte d’Alice au pays des merveilles sous acides, les garçons du ghetto s’aventurant dans le monde superficiel de l’argent, virant bien souvent à la franche comédie. Au milieu de ce trip, passant de jardins en jardins et de villas en villas, Clark parvient à nous entraîner dans son histoire, surpris, déboussolés, flinguant son film au passage diront certains. Le final, magnifique, musicalement (enfin) superbe, nous maintient sur notre ligne critique. Documentaire, comédie, clip musical et vidéo pour skateurs, aventure picaresque - donc burlesque et initiatique -, Wassup rockers est un film bancal, qui tarde à trouver son rythme, mais qui marque l’apparition d’un nouveau type de héros chez Clark : le gentil, le vrai, beau, (presque) pur et hardi. Un aventurier moderne à la Clark, c’est à dire prépubère, rocker et skateur, mais un aventurier quand même.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Uniquement disponible une interview de Larry Clark qui revient sur son travail avec ses nouveaux protégés. Durant dix-neuf minutes, il raconte la genèse de son film, sa rencontre avec ces jeunes skateurs de South Central, les liens qui se sont créés, son approche artistique. "On peut appeler ça un film politique, explique-t-il. A plusieurs niveaux. La politique interraciale dans le ghetto. On le voit dans le film. Je n’étais pas au courant. Il faut être black ou latino et y vivre pour comprendre la politique entre les ethnies. Le film montre comment ça se passe. [...] Je faisais un documentaire qui virait au film d’action, à la comédie, au drame, etc. J’ai mélangé tout ça ensemble. Je me suis juste amusé."
Image & son : Très bon master qui ajuste parfaitement la colorimétrie des images en fonction des lieux : froid pour la zone, de la chaleur pour la partie dans Bevery Hills. La compression est à la hauteur des mouvements de caméra instaurés par Larry Clark pour filmer les jeunes en action ; il en résulte une bonne fluidité. Le Dolby Digital 5.1 retranscrit impeccablement le bordel ambiant, propre à la réalité, que souhaitait Larry Clark. Une très belle édition DVD.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 22 avril 2009
Wassup rockers
Un Larry Clark en mode mineur mais son univers est intact bien que le propos soit un peu assagi.