Prévention des risques
Le 15 janvier 2015
Du cinéma underground dérangeant et subversif : arbitraire ou sans concession ?
- Réalisateur : Larry Clark
- Acteurs : Chloë Sevigny, Rosario Dawson, Leo Fitzpatrick, Justin Pierce
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h31mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 22 novembre 1995
- Plus d'informations : http://www.filmfestamiens.org/
- Festival : Festival d’Amiens, Festival de Cannes 1995
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Résumé : Amérique : un groupe d’adolescents mené par Telly. Ce dernier recherche de jeunes femmes vierges à New York, afin de pouvoir avoir des relations sexuelles non protégées sans risque. Mais quand une ancienne petite amie de Telly est déclarée positive à un test HIV, elle se lance à sa poursuite avant qu’il ne contamine une autre fille...
Critique : C’est dans le cadre de la rétrospective "Tulsa Oklahoma Cinéma" du FIFAM que l’on a pu redécouvrir le premier film de Larry Clark. La présentation du long métrage par le Directeur artistique, Fabien Gaffez, rappelait quelques fondamentaux de la construction du style "Clarkien " au sein de ce qu’il considère comme l’un des plus grands films des années 90. Cinéaste du nu adolescent bien éloigné de tout romantisme, Clark fut avant tout un génial photographe qui influença nombre de grands metteurs en scène du New Hollywood. Et Fabien Gaffez de rappeler à l’audience que Martin Scorsese arpentait le tournage de Taxi Driver avec l’album photographique Tulsa, celui-ci l’ayant considérablement orienté dans la construction du personnage de l’adolescente prostituée Iris, campée par Jodie Foster. Kids, produit par un autre cinéaste admiratif de l’album Tulsa en la personne de Gus Van Sant, est pour sa part un miroir sur l’Amérique d’une fin de siècle décadente, autel d’une dégénérescence physique et mentale de jeunes "paumés".
C’est avec de simples idées visuelles, héritages de son passé photographique, que Larry Clark ambitionnait la mise en image de Kids. Poussé vers la réalisation par ses pairs, le bonhomme avoue aujourd’hui avoir été déstabilisé par cet objectif de devoir mener à bien un récit cinématographique en bonne et due forme. Épaulé par Harmony Korine à l’écriture, il n’en demeure pas moins que la réussite du film tient à cette capacité de Clark à raconter les choses par un aspect iconique puissant. Il suffit de contempler ce plan, devenu l’affiche du long métrage, où les jeunes traversent en groupe face caméra l’Amérique, pour comprendre enjeux et constats en quelques secondes : le spectateur se retrouve dans une position inquisitoriale où il n’y a plus qu’à considérer un état de fait. C’est en quelque sorte le message fondamental du film : voici l’achèvement de toute une histoire, le constat simple qu’il n’y a plus qu’à observer puisqu’il est à présent trop tard pour toute autre action.
En plongeant son spectateur dans cette position de scrutateur, au sens premier du terme, l’auteur a forcément fait couler beaucoup d’encre : serait-on purement les voyeurs d’histoires sordides d’un cinéma underground radical ? Il faut finalement accepter le postulat du film pour en saisir pleinement la problématique. En introduisant quasiment sa réalisation par un plan sur le rejet physiologique de son protagoniste, que l’on sait rapidement contaminé, le metteur en scène entrecoupe son montage de rappels systématiques à cette présence métaphorique et séminale qui ne quittera pas la narration jusqu’au dénouement (la scène d’altercation avec le gros plan sur le crachat en étant le parfait exemple). Dénouement au lyrisme presque aérien bouleversant : en utilisant l’assemblage d’images dans un dispositif basique retournant aux fondamentaux de Koulechov, Larry Clark achève son histoire par quelques minutes absolument bouleversantes, le temps de quelques plans coupes sagaces. Ces derniers entremêlant l’intérieur et l’intime (la prise de conscience affirmée par les dialogues "qu’est ce qu’il s’est passé ?") à l’extérieur et l’autre (des plans de la ville captés à la volée dans un sens du "vrai" palpable), Larry Clark expose des adolescents paumés dont les excès sont imagés par un post rock céleste rappelant justement les conséquences irrémédiables et apostilles. Déchirant et alarmant à la fois, du Larry Clark en grande forme.
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