En bonne voie
Le 1er juin 2005
Un premier roman survendu par Paul Auster, mais qui annonce tout de même un auteur talentueux en devenir.


- Auteur : Céline Curiol
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman & fiction

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Survendu par Paul Auster, Voix sans issue souffre d’un parrainage trop pesant. Pourtant, si ce premier roman ne renferme pas toutes les qualités vantées, il annonce certainement un auteur talentueux.
"C’est [...] tout simplement l’une des œuvres de fiction les plus originales et les plus brillamment exécutées parmi celles de tous les écrivains contemporains que je connais." Avec une telle promotion, et plus encore lorsque l’on sait que la formule est signée Paul Auster (pour le coup, un des plus grands écrivains contemporains), on est forcément en droit de s’attendre à un quasi chef-d’œuvre. Or, Voix sans issue n’est pas tout à fait le fruit d’un "talent considérable" comme s’efforce de le montrer Auster dans son dithyrambe paru dans Lire.
A l’instar de ce que l’on ressent à la lecture de ce premier roman, l’héroïne de Céline Curiol n’est pas de ces personnages auxquels on s’attache de prime abord. Cette jeune femme, annonceuse à la gare du Nord mais dont le lecteur ignore le nom, dérive dans un Paris contemporain. A la recherche de l’homme qu’elle aime et qui l’aimera (quoi qu’elle semble finalement avoir relégué ce dernier point au second plan), elle erre dans une ville dont les mille visages finissent par former un masque indéchiffrable. A l’écoute de ses sensations, mais pas forcément de ceux qui l’entourent, entreprenante lorsqu’elle suit chez lui un inconnu croisé dans la rue, insolente dans des dîners mondains, muette avec ses collègues, hantée par une scène de son enfance, "Elle" se fait de plus en plus insaisissable au fil des pages. Au risque de perdre le lecteur en cours de route.
Et c’est hélas ce qui se passe. "Elle" largue tout derrière elle, y compris le lecteur. Mais, étrangement, le décrochage n’est jamais total. En dépit, des agacements que peut susciter l’écriture diluée de Céline Curiol, l’empathie du personnage agit comme un aimant. Impossible d’abandonner en cours de route parce que ses réactions imprévisibles sont autant d’espérances de changements. Cette jeune femme est en devenir, à l’image peut-être de la plume de Céline Curiol. Pas encore prodigieuse (dixit Auster toujours), mais prometteuse à n’en pas douter. Ce qu’il faut retenir ? Plutôt ce qu’il ne faut pas retenir : l’éloge de Paul Auster. Alors, on en revient à l’essentiel : un premier roman qui donne envie de lire les prochains.
Céline Curiol, Voix sans issue, Actes Sud, 2005, 254 pages, 19 €