Viva Zapatero !

Un documentaire drôle et intelligent pour dénoncer une sphère médiatique sclérosée.

L’argument : Dans une Italie où Berlusconi contrôle la quasi-totalité des médias, Sabina Guzzanti, célèbre humoriste italienne, voit son show déprogrammé de la télévision publique après sa première diffusion sous le prétexte de "vulgarité" et d’insultes au gouvernement. A l’occasion de cette mise à pied, Sabina Guzzanti va enquêter, avec autant d’humour que de sérieux, auprès de la classe politique et médiatique sur l’état de la démocratie en Italie et en Europe

Notre avis : Au début, il y avait l’idée de réaliser une émission satirique se moquant de la situation politique du pays (chapeautée par l’incontournable Berlusconi, le Cavaliere) tout en informant les téléspectateurs des décisions prises par le gouvernement. Une sorte de Guignol à l’italienne, quoi. Seulement, après un passage à l’antenne, l’émission est immédiatement déprogrammée par la RAI, la toute puissante télévision publique, en dépit de l’audimat. Prétexte officiel : trop vulgaire. Plutôt ironique de la part d’une chaîne coutumière des débordements orduriers et autres manifestations de mauvais goût.
Non. En fait, le début remonte à plus longtemps. A 1994, quand le parti de Berlusconi profite d’une situation politique désastreuse pour remporter les élections. Dès lors s’est entamé un long processus de musellement de la sphère médiatique, à coups de licenciements et de procès en série. Plus que le récit d’une censure, Viva Zapatero ! s’interroge sur la situation désastreuse des médias italiens. Ou : Comment une grande nation européenne peut-elle être classée (Rapport 2005 de Reporters sans frontières) au 42e rang mondial concernant la liberté de la presse ? La démocratie souffre...
Le documentaire, à force d’interviews, brosse un portrait inquiétant de la classe dirigeante italienne : croulante (moins de soixante ans, s’abstenir), empêtrée dans ses contradictions (une gauche qui n’a d’opposition que le nom), et pratiquant la langue de bois avec un aplomb stupéfiant. On rit jaune, quand ces politiciens s’embarquent dans de surréalistes tentatives de descriptions des "lois de la satire". Ainsi, apprend-on qu’une satire devrait présenter la classe politique sous un jour humain et se garder, à tout prix, de forger l’opinion. Edifiant.
Ce n’est heureusement pas le point de vue de la réalisatrice, Sabina Guzzanti, qui déclare vouloir faire réfléchir tout en faisant rire : on veut bien la croire, car Viva Zapatero ! y arrive parfaitement, pour le plus grand plaisir des spectateurs qui ont pu le voir dans sa patrie d’origine (le film étant, bien évidemment, sorti de manière relativement confidentielle).
Un documentaire salvateur. Avec les sorties récentes de La spectatrice et de Vento di terra ces dernières semaines, il nous confirme que certains cinéastes italiens sont encore en mesure de lutter contre le formatage télévisuel qui a gangrené l’ensemble de cette cinématographie (jadis glorieuse), et dont Nos meilleures années apparaît comme la plus indigeste manifestation. Viva la rivoluzione !