Littérature
Le 28 mai 2002
Une adolescence dévastée par l’exil : réminiscence d’un temps volé.
- Auteur : Marisa Madieri
- Editeur : L’Esprit des péninsules
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La mère de Marisa avait porté au mont-de-piété son unique bracelet et sa pelisse de fourrure mitée afin d’offrir à sa fille un vêtement décent pour participer aux petites fêtes organisées par ses camarades de lycée. L’ensemble se composait d’une jupe évasée, d’un cardigan et d’un jersey ras du cou. Il était en orlon vert Nil. "Cette couleur portait aussi le nom de vert d’eau, qui reste pour moi, aujourd’hui encore, la couleur de l’amour."
Par petites touches pudiques, Marisa Madieri reconstruit le puzzle d’une adolescence dévastée par l’exil. 1947. La presqu’île italienne de l’Istrie est coupée en deux, partagée entre la Croatie et la Slovénie. Comme tant d’autres familles, les Madieri se résignent à partir. Direction Trieste où ils sont logés - si l’on peut dire - dans un ces camps que l’on dit provisoires. Ni cris, ni lamentations, de courtes phrases sans un mot de trop qui se déroulent avec une sécheresse déchirante. Hier. Aujourd’hui.
Hier. Réminiscences d’un temps volé par des événements tragiques. La vie au camp de Silos, étudier malgré la promiscuité, avoir son coin pour lire. Respect mutuel. Figure tutélaire de la mère, ordonnatrice de l’ordre dans le chaos de quelques mètres carrés. Sous les non-dits pointent à la fois la désespérance et le courage des déracinés dont les portraits sont brossés d’une plume caressante.
Aujourd’hui. Journal des années 80. La vie à Trieste, le transbordeur qui amène l’auteur sur les îles des vacances en famille, duquel elle aperçoit sa ville natale de Fiume, maintenant Rijeka en Croatie. Elle a beau fermer les yeux, elle ne parvient pas à situer la maison de sa grand-mère. "Elle n’est qu’un point suspendu et sans lien dans ma mémoire, un petit univers, contenant sans contenu. Ainsi de l’Atlantide, perdue au fond des mers, recouverte d’algues et de coquillages, étincelants comme des fruits en verre coloré."
Temps suspendu. La maladie est là que Marisa Madieri n’évoque qu’une fois, au détour d’une phrase discrète, retournant ensuite à sa tâche qui est celle d’écrire un "livre contre l’oubli", comme le note Claudio Magris, son compagnon de toute une vie, dans sa belle postface qui clôt l’ouvrage de sanglots retenus.
Marisa Madieri, Vert d’eau (Verde acqua, traduit de l’italien par Pérette-Cécile Buffaria), postface de Claudio Magris, L’esprit des péninsules, 2002, 193 pages, 18 €
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