Aira deux fois
Le 5 septembre 2005
Deux romans d’un Argentin détonnant traduits dans un même éclat de rire grinçant.
- Auteur : César Aira
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Deux romans d’un Argentin détonnant traduits dans un même éclat de rire grinçant.
Oulipiens ? Absurdes ? Baroques ? Inclassables ? Allez, inclassables - pour faire court et, on l’espère, élogieux - les deux romans de l’Argentin César Aira publiés en même temps chez Christian Bourgois [1]. Pas de lien direct entre Les nuits de Flores et Varamo, mais, en commun, un style, une verve, une érudition, un humour qui n’étonneront pas les amoureux de la littérature latino-américaine. Quant aux autres ? Qu’ils aillent y voir eux-mêmes, comme le dirait le narrateur de Varamo, subtil voyage au bout de la nuit étoilée d’un génial poète, commis aux écritures dans un ministère du Panamá et taxidermiste amateur, qui, en 1923, quelques heures après avoir été payé avec des faux billets, rédigea d’un trait l’un des chefs-d’œuvre de la poésie d’Amérique centrale.
Réflexion sur l’écriture, sur le contexte d’une œuvre, sur les fugaces privilèges de l’écrivain noctambule, Varamo questionne aussi une réalité remplie de duperies et d’escroqueries qui n’a pas pris une ride : "Après tout, écrit Aira, dans la société capitaliste moderne, chacun veillait sur ses intérêts personnels, et le délit était la forme naturelle de cette attitude." Moderne, l’Argentine de la crise de 2001 l’est aussi. Tristement. Et il faut ici encore une drôle de plume pour en tirer un roman aussi féroce et souriant que Les nuits de Flores, ce quartier où l’auteur vit depuis des décennies et où un couple de retraités livre des pizzas à pied afin d’améliorer son quotidien. Car le néo-libéralisme, qui a apporté "une nouvelle liberté au monde", qui a fait des membres de la classe moyenne des livreurs de pizzas et des ouvriers des ramasseurs de cartons dans les poubelles des grandes villes, pousse à l’inventivité.
Dans ce récit bientôt policier qui n’avance jamais là où on l’attend, même les criminels font preuve d’imagination. "Au fond, le tout était d’inventer, d’inventer avant les autres, de prendre les devants en créant des formes nouvelles, de les renouveler sans cesse, sur la crête d’une vague qui avançait sans cesse." Sur ce terrain-là, César Aira n’est pas en reste. Comme quoi, le néo-libéralisme a du bon.
César Aira, Varamo, (Varamo, traduit de l’espagnol (Argentine) par Michel Lafon), éd. Christian Bourgois, 2005, 140 pages, 15 €
César Aira, Les nuits de Flores,(Las noches de Flores, traduit de l’espagnol (Argentine) par Michel Lafon), éd. Christian Bourgois, 2005, 154 pages, 15 €
[1] Une dizaine de livres de César Aira ont déjà été traduits en français, édités par André Dimanche (qui vient de publier Les larmes), Gallimard, Arcane et Maurice Nadeau
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