Le 20 septembre 2024


- Scénariste : Aude Mermilliod>
- Dessinateur : Aude Mermilliod
- Genre : Autobiographie, Roman graphique
- Editeur : Casterman
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 11 septembre 2024
Une expérience bio-graphique de l’intime et de la résilience
Résumé : Violée à 14 ans par un petit ami toxique, Aude a su se reconstruire pas à pas, racontant ses différentes relations et surtout l’aide de sa thérapeute qui l’ont conduite à celle qu’elle est devenue aujourd’hui.
Critique : Si l’engagement était déjà une priorité pour Aude Mermilliod, comme en témoigne son brillant Il fallait que je vous dise sur l’IVG, alors sa réflexion sur la sexualité, la féminité et leurs tabous ne fut pas une surprise, d’autant que les deux sont liés par cet ouvrage intime et thérapeutique que représente Eclore. Deux adjectifs qui livrent tout sur l’œuvre mais pas tout à fait : en effet, l’album est avant tout intime, puisque l’autrice n’hésite pas à se livrer, sur son traumatisme passé, celui d’un viol à l’âge de 14 ans par un garçon plus âgé et peu scrupuleux du consentement, comme tant d’hommes à travers les époques et les âges, mais c’est en filigranes et sans le reconstituer totalement qu’elle l’évoque, privilégiant plutôt les différentes relations qui ont suivi et ont contribué à la renforcer. À la clef, trois aventures humaines, et il faut le dire, assez sexuellement exhaustives et différentes, pour montrer un cheminement, pour qu’elle-même se comprenne mieux, tandis que les lectrices et lecteurs ne peuvent que constater le passage des années, la confiance petit à petit revenir, les écueils être surmontés, jusqu’à cette dernière liaison, avec une femme cette fois, pour apporter une stabilité sans équivalente, une plénitude qui va au-delà de l’intime, mais dans ce lien à deux, dans ce rapport à l’autre et plus seulement à soi. Thérapeutique également donc, car à l’image de cette plante qui ne demande qu’à grandir, Aude Mermilliod a placé son corps en avant dans l’ouvrage, se montrant quand elle comprend qu’il change, évoquant les règles, s’approchant de la notion de plaisir, et donc de désir, mais aussi de guérison pour revenir à la violence qu’il a reçu.
© Casterman / Mermilliod
Métaphore naturelle et puissante, elle s’insuffle dans tout l’ouvrage. Pourtant, c’est dans un style très réaliste que se dessine la vie de l’autrice, qui n’a pas cherché à marquer ses planches d’érotisme, mais plutôt d’une harmonie bienveillante, un regard nouveau et complice sur les corps, privilégiant ainsi les moments de rire ou de peine même lorsqu’elle est nue, plutôt que les moments de plaisir ou d’orgasme. De même, les personnages qui traversent cette autobiographie n’apparaissent jamais comme des monstres, que ce soit un ex rompant en plein confinement, ou celui qui a violé, hantant encore l’esprit des années plus tard, avec ses amis moqueurs... Non, le pardon est plus fort, et le dessin s’efforce ainsi de le montrer, cherchant dans les regards les erreurs plutôt que les pulsions, atténuant plutôt qu’accentuant, rendant d’ailleurs les bons moments encore plus beaux, comme une ode au titre.
© Casterman / Mermilliod
Roman graphique qui s’inscrit dans l’air du temps, de l’intime plus qu’érotique, Eclore donne à voir une femme meurtrie mais qui a laissé le temps et l’amour la reconstruire, une volonté graphique d’assumer tout, de pardonner et surtout d’aimer.
264 pages – 27 €