Untilted

Point n’est besoin de revenir sur les personnalités mystérieuses des deux britanniques qui évitent soigneusement la lumière. Nul besoin non plus de présenter pour la énième fois le son caractéristique du groupe (après tout, Incunabula, leur premier album, est sorti en 1993 et contenait déjà les mêmes ingrédients) : une multitude de couches numériques abrasives, des rythmiques qui semblent échapper à toute logique, et un enchevêtrement a priori chaotique qui tient lieu de canevas. Intéressons-nous plutôt à ce qui fait d’Autechre l’un des seuls groupes exclusivement électroniques toujours aussi passionnant (hormis Pan Sonic et peut-être Aphex Twin dans un bon jour, on n’en voit guère d’autres) : son extraordinaire capacité à se renouveler au sein d’un univers ultra codé.

La carrière d’Autechre apparaît alors comme une véritable saga, une sorte de Star wars musical, où les personnages seraient des sons qui évolueraient au gré des albums/épisodes, et où les codes hermétiques (titres mystérieux, pochettes froides) renfermeraient une sorte de code secret donnant accès au mystérieux contenu. Et si Draft 7.30, l’épisode précédent, faisait office de pause récapitulative, le nouveau Untilted (évidemment, il fallait qu’ils nous la fassent, celle-là !) se projette assez radicalement dans le futur : alors que l’air du temps amène les électroniciens actuels à jouer avec les sonorités hip-hop ou rock, Sean Booth et Rob Brown restent droits dans leurs bottes : l’enveloppe musicale de Untitled restera purement numérique, faisant la part belle aux sonorités parfois acid (Sublimit), aux rythmiques sèches et acérées (l’étonnante ouverture de LCC vous cueille à froid) évitant soigneusement les basses chaleureuses (lorsque les aigus font place aux graves, c’est pour mettre en exergue les atmosphères caverneuses de l’extraordinaire Pro radii).

Du suspense, il y en a à revendre grâce à une nouvelle structure étonnante, la grande force du duo résidant dans cette capacité à appréhender un disque dans son ensemble, à gérer les temps forts et les temps faibles, à surprendre alors que l’on ne s’attend plus à rien (au bout du disque, le clair-obscur du troublant The trees, au titre quasi naturaliste dans le répertoire du duo). Dans de telles conditions, et en gardant à l’esprit la persistante vitalité que gardent leurs précédents albums écoute après écoute, il y a fort à parier qu’Autechre fera partie de notre futur musical, et ce quoiqu’il advienne de la scène électronique, à laquelle le duo n’est de toute façon pas réellement attaché.