La maison des feuilles
Le 30 avril 2003
Le mystérieux duo anglais rappelle avec ce nouvel album la place centrale qu’il occupe dans la musique actuelle.
- Artiste : Autechre
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Déjà le septième album du duo anglais le plus mystérieux du paysage électro, et toujours le même malentendu : trop aride pour le grand public, trop facile pour les purs et durs, leur fascinante musique fait peur.
Depuis Incunabula, premier album déjà enregistré pour le compte du label Warp en 1993, Sean Booth et Rob Brown n’ont eu de cesse de brouiller les pistes, se retrouvant malgré eux au centre d’un interminable et stérile débat qui agite et divise la communauté électro/rock à chaque nouvelle sortie du duo. Pour les uns, Autechre fait des disques trop difficiles au nom d’une sacro-sainte expérimentation, et ce dans le but de se faire passer pour d’obscurs extrémistes des sons numériques. Pour les autres, Autechre ne va jamais assez loin dans cette même expérimentation (surtout depuis quelques années) et tenterait de séduire un public plus large, jalousant le succès d’un Aphex Twin qui s’est tout de même bien abreuvé à leur moulin.
En fait, le groupe se moque bien de ces querelles de parleurs et vient rappeler avec ce Draft 7.30 en forme de bilan de carrière que la vérité, si vérité il y a, se trouve à mi-chemin entre ces deux affirmations. Embrassant à la fois les plages plus aérées de leurs débuts (Incunabula ou Tri Repetae, 1995), les saccades technoïdes de certains singles d’anthologie (Basscadet, 1994) et les expérimentations plus abstraites des récents essais (du sous-estimé Confield de 2001 au Gantz Graf de l’an dernier), Draft 7.30 démontre combien Autechre est un groupe fondamental ayant changé dans l’ombre le cours de l’histoire des musiques actuelles. Inventant quasiment ce que l’on appelle aujourd’hui "l’electronica", le duo a su donner sa véritable identité à Warp (bien plus que ne l’a fait Aphex Twin) et a influé de manière radicale sur les carrières d’artistes aussi inspirés et importants que Björk ou Radiohead.
Ce qui est sûr, c’est que l’on ne peut entrer dans l’univers d’Autechre sans une préparation minime. Il ne faut pas compter y trouver de mélodies à proprement parler, pas plus que de chaudes envolées de cordes ou de gimmicks accrocheurs. Ici, l’electronica en reste réduite à ses plus simples atours abrasifs : les sons accrochent ou irritent, les ryhtmiques déraillent et claquent, et même les titres abracadabrantesques n’aident pas à s’y retrouver. Les morceaux sont construits comme des châteaux de carte, laissant les sons s’empiler de manière fragile, menaçant la structure de l’ensemble de s’écrouler à tout moment. Un album d’Autechre, c’est un peu La maison des feuilles : de nouvelles pièces inquiétantes apparaissent sans cesse. Et le monde d’Autechre ressemble finalement à ces jeux de piste auxquels on jouait en colo : on nous donne une carte et une boussole pour retrouver un chemin, mais le plus souvent on ne sait lire ni l’une ni l’autre et on se laisse griser par la peur de se perdre. Pour pleinement ressentir leur musique, il faut donc accepter de se laisser conduire par un beat chaotique qui vous sème en cours de route, sans même vous laisser de petits cailloux blancs pour le retour.
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