Le 2 mai 2002
Référence, en matière de littérature "coloniale", Une vie de boy fait figure de témoignage, dans une société où les relations inter-raciales étaient enfouies dans un discours lénifiant imposé par les Blancs. Ferdinand Oyono signe là un véritable symbole, qui, plus de quarante ans après, reste toujours d’actualité.
- Auteur : Ferdinand Oyono
- Editeur : Pocket
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Notre avis : Toundi, qui ne s’appelle pas encore Joseph, fuit son village et la violence paternelle pour trouver refuge auprès du Père Gilbert, à la mission catholique. Il y est élevé et instruit afin de devenir un boy modèle, exemplaire, un boy qui sait lire ! Placé chez le commandant de la petite ville de Dangan, il commence à exercer son regard sur cette micro société coloniale, pleine de certitudes et de principes. Et puis un jour arrive "Madame", l’épouse du commandant, la plus belle femme de la colonie. "Ta gourmandise nous perdra", lui disait sa mère. Joseph va se trouver prisonnier de sentiments qu’il ne maîtrise pas, attiré par cette femme interdite, contraint, par sa fonction, à être le témoin muet de son intimité.
Joseph est comme une passerelle entre les deux communautés. Il connaît les moindres détails de la vie de sa patronne, et silencieusement, regarde, écoute, enregistre, témoin omniprésent ; quelle importance cela peut il avoir ? Ce n’est qu’un nègre... Joseph observe Madame à la dérobée, en balayant les préservatifs usagés et subit sautes d’humeurs, punitions arbitraires ou confidences inattendues. Madame s’efforce de ne pas voir en Joseph l’homme et le désir qu’elle lui inspire mais c’est déjà trop tard. La chute sera à la mesure de la violence de leurs relations et Madame redoublera de haine pour oublier ses égarements. "Puisque tu connais toutes leurs affaires, ils ne pourront jamais oublier tout à fait tant que tu seras là. Et ça, ils ne te le pardonneront pas", le met en garde Kalisia, la femme de chambre. Joseph va faire la dramatique expérience d’être trop instruit là où l’ignorance est une qualité, de juger, là où on ne lui demande que d’être un élément du décor.
Publié en 1956, Une vie de boy fera scandale, dans la société coloniale, pour mettre le doigt sur des pratiques autoritaires que peu remettaient en cause, et pour mettre au grand jour cette question du regard du Noir sur la Blanche, par "définition coloniale", désexualisé. Une vie de boy pose un regard froid et terrible sur ce clivage social et fait sans doute partie de ces livres qui ont joué un rôle dans les progrès sociaux et humains, aux tous premiers temps de l’indépendance.
Même si on peut regretter que Ferdinand Oyono ait mis plus tard son talent au service de causes moins altruistes, Une vie de boy n’en reste pas moins un livre indispensable, un regard unique sur une étrange réalité.
Ferdinand Oyono, Une vie de boy, Pocket, 185 pages, 3,70 €
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