Le 9 avril 2025
Un beau film espagnol méconnu, chronique rurale et familiale sobre et dépouillée, au carrefour du romanesque et de l’ascèse.


- Réalisateur : Montxo Armendáriz
- Acteurs : Nacho Martínez, Miguel Rellán, Patxi Bisquert, Amaia Lasa, José María Asín
- Genre : Drame, Drame social, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Tamasa Distribution , Colifilms Distribution
- Durée : 1h36mn
- Reprise: 23 avril 2025
- Date de sortie : 16 avril 1986
- Festival : Festival de Cannes 2024, Festival San Sebastian 2024

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– Année de production : 1984
– Reprise en version restaurée : 23 avril 2025
Résumé : Tasio travaille comme charbonnier depuis l’âge de quatorze ans dans un petit village de Navarre. La vie change mais la montagne reste la même : abrupte et majestueuse. Théâtre de ses jeux d’enfance, elle lui permettra en se faisant braconnier quelques années plus tard de subvenir aux besoins de sa famille. Bien que ce soit une période d’exode rural, d’émigration vers les villes, à la recherche d’un avenir meilleur, Tasio préfèrera, pour sauvegarder sa liberté, demeurer dans la solitude de la Sierra basque.
Critique : Grand Prix du Festival de Biarritz 1984 et Prix Georges Sadoul 1985, Tasio est le premier long métrage de Montxo Armendáriz. Cet ancien professeur d’électronique avait auparavant réalisé quelques courts dont Carboneros de Navarra (1981), qui relatait le quotidien des derniers charbonniers navarrais, dont l’un d’entre eux, surnommé « Tasio », a servi de modèle au film éponyme. Linéaire et limpide, Tasio se déroule sur plusieurs décennies et se focalise sur la vie du fils d’un charbonnier du Pays basque espagnol. Quatre étapes (l’enfance, l’adolescence, la force de l’âge et la maturité) rythment la narration, sans que l’on puisse parler de chapitrage à proprement parler. Le cinéaste préfère les ellipses, et le temps qui passe est suggéré par de lents panoramiques sur la nature et des fondus enchaînés. Montxo Armendáriz utilise avec bonheur le cycle des saisons. Il tient ainsi à préciser : « Je crois que la plupart des choses sont cycliques. C’est une structure qui m’attire personnellement beaucoup car, du point de vue de la narration, elle te permet de mettre en valeur ou d’analyser les éléments qui ont pu avoir une influence dans cette histoire du début à la fin » (Transmettre le cinéma, cité dans le dossier de presse du distributeur Tamasa).
- Patxi Bisquert
- © 2025 Tamasa Distribution. Tous droits réservés.
Le récit n’a pas vraiment de cadre historique : les événements du XXe siècle, comme la guerre civile espagnole, sont délibérément occultés et de rares indices (un modèle d’automobile) apportent une piste temporelle. Le contexte se veut un peu plus sociologique et économique. Ainsi, les rituels et événements d’une petite communauté soudée sont filmés dans un style documentaire, avec ses instants de banalité (le partage des repas), ses drames (l’accident mortel d’un enfant qui joue près d’un lieu d’extraction du charbon) et ses moments de détentes (la très belle scène de bal, où l’adolescent Tasio rencontre sa future épouse). Refusant d’être exploité par des propriétaires terriens ou des marchands de bois, le protagoniste préférera assumer une indépendance synonyme de précarité, quitte à enfreindre les règles de la justice, en ayant recours au braconnage.
- Patxi Bisquert, Nacho Martínez
- © 2025 Tamasa Distribution. Tous droits réservés.
Tasio est un film accessible à tous les publics et aucune zone d’ombre ne vient s’immiscer dans le déroulement de son histoire. Il ne faut cependant pas s’attendre à un film qui se voudrait uniquement militant, ou une histoire exclusivement romanesque jouant de la gravité des situations. On songe plutôt à l’épure de certains films ayant pour cadre le milieu rural ou de montagne, de L’arbre aux sabots d’Ermanno Olmi à Vermiglio de Maura Delpero, en passant par L’âme sœur de Fredi M. Mürer. Le réalisateur accorde en effet beaucoup d’importance à la forme, filmant la nature dans son rapport avec l’homme : ce sont ces plans-séquences faisant songer des tableaux, ces lents travellings davantage poétiques que descriptifs, ou cette bande sonore dépouillée de toute fioriture musicale. Il faut donc (re) découvrir cette œuvre majeure du cinéma régionaliste et qui a fait l’objet d’une restauration à l’initiative de la Cinémathèque basque, supervisée le réalisateur au laboratoire L’Immagine Ritrovata, et que Cannes Classics avait sélectionnée en 2024.