Le 23 novembre 2022
Cette chronique familiale et montagnarde, qui frappe par sa force semi-documentaire et son romanesque austère, demeure l’une des œuvres les plus importantes du cinéma suisse.
- Réalisateur : Fredi M. Murer
- Acteurs : Thomas Nock, Johanna Lier, Dorothea Moritz, Rolf Illig, Tilli Breidenbach
- Genre : Drame
- Nationalité : Suisse
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 2h00mn
- Reprise: 21 décembre 2022
- Titre original : Höhenfeur
- Date de sortie : 2 avril 1986
- Festival : Festival de La Rochelle 2022
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– Reprise en version restaurée : 21 décembre 2022
Résumé : À l’écart du reste du monde, dans une ferme suisse à flanc de montagne, une famille vit au rythme des saisons. Une tendre complicité lie les deux enfants, le garçon dit « le Bouèbe », né sourd-muet, et Belli, qui réalise sa vocation contrariée d’institutrice en lui apprenant à lire et à écrire. Après une violente dispute avec le père, l’adolescent s’enfuit dans les alpages. Sa sœur part le retrouver…
Critique : Réalisateur suisse, Fredi M. Murer a été formé à l’École des Arts Décoratifs, où il a eu la révélation du cinéma. D’abord photographe et occasionnellement enseignant, il s’est pleinement consacré au septième art à partir de 1966, avec plusieurs documentaires puis fictions mettant en avant son respect pour la montagne et ses habitants. Léopard d’or et Prix du Jury œcuménique au Festival de Locarno 1985, L’âme sœur, dont il a également écrit le scénario, est son film le plus célèbre, et reste considéré comme l’une des œuvres les plus importantes du cinéma suisse. En apparence austère et minimaliste, le récit permet de suivre le quotidien d’une famille de montagnards. Les parents perpétuent la tradition de l’élevage en altitude, et vivent avec leurs deux enfants. Belli, la fille aînée, attirée par la ville, a renoncé à exercer le métier d’institutrice pour aider ses parents et s’occuper de l’éducation de son frère, surnommé « le Bouèbe ».
- © 1985 BERNARD LANG AG / FREDI M. MURER. Tous droits réservés.
Ce dernier est un adolescent sourd-muet, qui participe également aux tâches agricoles. Sans être idiot, il vit quelque peu dans son propre monde, et apparaît décalé, fantasque et imprévisible aux yeux de son entourage, comme pourra l’être la Sweetie de Jane Campion. La caractérisation des personnages est nuancée : si le Bouèbe ne subit pas de mauvais traitements et reste accepté par ses parents, ils sont loin de lui témoigner un réel amour, et n’acceptent pas vraiment le handicap du jeune homme, qui trouve en sa grande sœur une source de bienveillance et d’affection. La qualité des dialogues n’est pas pour rien dans l’intérêt que suscitent ses protagonistes, et Murer trouve un juste milieu entre la psychologie explicative et les non-dits. Le film vaut également par son travail documentaire sur le mode de vie et les activités des montagnards, avec une précision ethnologique dans le prolongement des expériences de Robert J. Flaherty (L’homme d’Aran) ou Georges Rouquier (Farrebique), même si les acteurs sont tous professionnels.
- © 1985 BERNARD LANG AG / FREDI M. MURER. Tous droits réservés.
Un transistor, un air musicalement daté permettent de réaliser qu’on est bien dans les années 80, quand des séquences antérieures peinaient à nous donner un cadre temporel. Cette subtilité dans le souci du détail fait également le prix de l’œuvre. Et quand survient le drame qui entraîne la recomposition surprenante du groupe familial, L’âme sœur prend les accents d’une tragédie grecque, tout en étant imprégné d’une ambiance quasi surréaliste, où règne l’ombre de Buñuel, un autre cinéaste que Murer vénère. La poésie sauvage qui s’en dégage rend le final inoubliable. Il faut absolument (re) découvrir ce long métrage qui eut une audience limitée à sa sortie, en dépit de son bon accueil critique.
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