Le 19 mars 2025
Un drame familial à la fois sobre et lumineux, dans la lignée du cinéma d’Olmi, qui propose un regard singulier sur les liens familiaux dans la société traditionnelle italienne.


- Réalisateur : Maura Delpero
- Acteurs : Tommaso Ragno, Carlotta Gamba, Giuseppe De Domenico, Roberta Rovelli, Martina Scrinzi
- Genre : Drame, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Italien, Belge
- Distributeur : Paname Distribution
- Durée : 1h59mn
- Titre original : Vermiglio
- Date de sortie : 19 mars 2025
- Festival : Festival de Venise 2024

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Résumé : Au cœur de l’hiver 1944. Dans un petit village de montagne du Trentin, au nord de l’Italie, la guerre est à la fois lointaine et omniprésente. Lorsqu’un jeune soldat arrive, cherchant refuge, la dynamique de la famille de l’instituteur local est changée à jamais. Le jeune homme et la fille aînée tombent amoureux, ce qui mène au mariage et à un destin inattendu…
Critique : Coproduction franco-italo-belge, Vermiglio ou La mariée des montagnes est le second long métrage de Maura Delpero, réalisatrice qui vit et travaille entre l’Italie et l’Argentine. On avait pu apprécier Maternal, sorti en catimini après la crise sanitaire, qui mettait en avant des portraits de mères célibataires recueillies dans un centre d’accueil religieux. Il est à nouveau question de lien filial dans Vermiglio mais à un huis clos étouffant succède un récit étalé sur quelques saisons, avec le décor naturel d’un petit village de montagne du Nord de l’Italie, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le récit emprunte d’abord la voie de la chronique familiale, contemplative et quasi documentaire, dans la lignée de L’arbre aux sabots d’Ermanno Olmi. On songe aussi au cinéma des Taviani, et en particulier à Padre padrone, avec la figure d’un patriarche dominant sa descendance. Pourtant, les trois sœurs au cœur du récit ont pour père un homme qui aurait pu sembler éclairé, instituteur sévère et rigide certes, selon qui les femmes méritent une éducation supérieure, mais seulement en cas d’intelligence exceptionnelle, qualité qu’il n’accorde à aucune de ses filles. Dans ces conditions, Lucia, Ada et Flavia suivent la destinée réservée aux femmes dans la société traditionnelle, surtout dans les zones non urbaines.
- © 2024 Cinedora. Tous droits réservés.
« J’ai ressenti le besoin de creuser, de me pencher sur l’histoire des femmes qui m’ont précédées, en racontant une période historique qui, bien que lointaine, reste un passé récent qui dialogue beaucoup avec notre époque », précise la réalisatrice dans le dossier de presse. Et le sujet l’a d’autant plus motivée qu’il possède un caractère plus ou moins autobiographique. Le personnage de Lucia, sur lequel la narration va s’attarder, est le plus fouillé et emblématique. Malgré les avertissements de son entourage, la fille aînée veut absolument épouser le jeune soldat que d’aucuns considèrent comme un déserteur opportuniste. Elle pense s’affranchir d’une autorité, quand elle se retrouve malgré tout aliénée, puis meurtrie par un deuil, un mensonge douloureux et une maternité qu’elle assume tout en y voyant un obstacle à sa liberté. Le scénario est subtil dans le traitement de son désir d’émancipation, sans recourir aux dialogues explicatifs, préférant les non-dits et l’ellipse.
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Le récit n’occulte pas son contexte historique, la guerre étant certes filmée hors champ, mais la cinéaste parvenant à suggérer ses répercussions, avec des agriculteurs attendant des fils qui ne reviendront jamais, ou des prêtres et éducateurs se substituant aux figures paternelles. La mise en scène de Maura Delpero, à la fois sobre et lumineuse, utilise admirablement les paysages du tournage, sans tonalité folklorique, avec de beaux contrastes de couleurs au gré des saisons ; et l’utilisation judicieuse de la « caméra portée » lors de la scène du mariage, plaçant le spectateur au cœur du dispositif, parvient à trouver un juste équilibre entre romanesque et naturalisme, même si le film s’inscrit davantage dans une tradition néoréaliste revisitée. On pourrait d’ailleurs le rapprocher de Piccolo corpo de Laura Samani qui abordait une thématique voisine mais dans un style intégrant aussi l’onirisme. Vermiglio ou La mariée des montagnes est donc un film largement recommandable qui a bien mérité le Lion d’argent (Grand prix du Jury) au Festival de Venise 2024.