Le 21 février 2022
Jamais on n’aura vu une première œuvre de cinéma qui joue avec une telle perfection entre le réalisme historique, le mysticisme, le fantastique et le récit d’une émancipation féminine réussie. Piccolo corpo est un film en état de grâce.
- Réalisateur : Laura Samani
- Acteurs : Celeste Cescutti, Ondina Quadri
- Genre : Drame, LGBTQIA+, Drame fantastique
- Nationalité : Français, Italien, Slovène
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h29mn
- Date de sortie : 16 février 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Italie, 1900. Le bébé de la jeune Agata est mort-né et ainsi condamné à errer dans les Limbes. Il existerait un endroit dans les montagnes où son bébé pourrait être ramené à la vie, le temps d’un souffle, pour être baptisé. Agata entreprend ce voyage et rencontre Lynx, qui lui offre son aide. Ensemble, ils se lancent dans une aventure qui leur permettrait de se rapprocher du miracle.
Critique : On est quelque part, en Italie, dans une époque lointaine, où les dialectes se mélangent d’une colline à l’autre. Agata met au monde une petite fille décédée qui n’aura pas le droit au baptême et de porter un nom. Pour une mère, perdre son bébé est dramatique, mais cela l’est d’autant plus qu’elle ne pourra jamais faire son deuil si elle ne parvient pas à nommer sa fille comme un être véritable. Après l’accouchement, elle va à la rencontre d’un certain Ignace qui lui parle d’un monastère, perché dans les montagnes du nord, où les religieux seraient capables de redonner un souffle aux nourrissons morts nés, un souffle suffisamment court pour permettre qu’ils reçoivent la bénédiction baptismale avant de rejoindre le monde des morts. Alors, seule, elle engage un long voyage vers ce lieu éloigné, faisant rapidement la connaissance d’un étrange jeune homme aux yeux très bleus.
- Copyright Arizona Distribution
Piccolo corpo désigne le cadavre minuscule du bébé que la mère transporte dans un caveau de bois. Il y a dans ce projet incroyable une tentative inouïe de faire le deuil pour cette mère qui ne se sent pas capable de donner naissance à un autre enfant. Elle s’engage dans un voyage qui ressemble à une quête initiatique où à la fois elle doit braver des épreuves physiques et psychologiques, et à la fois elle va à la rencontre d’elle-même. Le bout du chemin est le réveil de l’enfant. C’est aussi la découverte de soi, l’expérimentation de ses propres limites, et le fantasme qu’un Dieu saura l’entendre dans son désir de mère. Mais ce voyage est aussi celui d’une très jeune femme qui va devenir une mère forte, assurée, capable de pénétrer des tunnels normalement interdits aux femmes et de dire non aux hommes. On la voit grandir progressivement dans le film, aux côtés d’un jeune garçon qui se dissipe peu à peu. D’ailleurs, l’une des plus belles séquences du film se passe dans une sorte de caverne sonore, comme si le passage de la lumière au noir, puis du noir à la lumière, revêtait la symbolique de son émancipation féminine.
- Copyright Arizona Distribution
Le long-métrage déroule des paysages absolument magnifiques qui rajoutent à la spiritualité du récit. On est bluffé par la beauté des lieux et on se demande en permanence comment la caméra est parvenue à s’immiscer dans ces forêts, ces immenses lacs et ces montagnes enneigées. L’intrusion au cœur de la nature est si bien filmée que le spectateur lui-même ressent le froid, l’âpreté de la forêt, la pénibilité des chemins. La force du récit se décuple avec la découverte des espaces naturels de toute beauté. Les dialectes, les modes de vie agraires des paysans qu’Agata rencontre, les regards parfois tendres ou parfois nocifs des gens contribuent à la magnificence des lieux qui accompagnent le roman d’une femme se révélant comme mère et actrice de son existence.
- Copyright Arizona Distribution
Piccolo corpo demeure une œuvre des plus profondes de ce début d’année. La toute jeune cinéaste Laura Samani accouche d’un récit dense et mystique dont la maturité du traitement est incontestable. La réalisatrice offre un long-métrage universel et puissant qui restera longtemps dans la tête des spectateurs ayant eu la chance de le voir.
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