Le 2 juin 2018
Lubitsch propose une nouvelle variation sur le couple, malicieuse et infiniment subtile.
- Réalisateurs : Ernst Lubitsch - George Cukor
- Acteurs : Charles Ruggles, Maurice Chevalier, Roland Young, Lili Damita, Genevieve Tobin, Jeanette MacDonald, Pierre Etchepare
- Genre : Romance, Comédie musicale, Noir et blanc, Comédie romantique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Splendor Films
- Editeur vidéo : Elephant Films
- Durée : 1h20mn
- Date télé : 17 juillet 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 12 septembre 2018
- Titre original : One Hour with You
- Date de sortie : 1er juin 1932
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Résumé : Une femme joue avec les nerfs de sa meilleure amie en voulant séduire son mari.
Critique : Une heure près de toi est le remake de Comédiennes, que Lubitsch avait réalisé en 1924, déjà très réussi, mais forcément muet et non chantant. Ici le cinéaste reprend son couple vedette Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald pour les entraîner dans une de ces micro-histoires inspirées du vaudeville dans lesquelles il ne se passe presque rien – mais tout est dans le « presque » : André aime sa femme, Colette, qui aime son mari, mais elle tient à lui faire connaître Mitzi, sa « meilleure amie », dragueuse invétérée et le couple se met en danger. Rien cependant n’est jamais sérieux : Lubitsch introduit une distance souriante et crée, au lieu d’un mélodrame possible, la plus charmante des comédies, un plaisir de tous les instants.
Certes, on pourra trouver vieillis les refrains mais même cette convention est travaillée pour la revitaliser : ainsi la chanson-titre fait-elle le lien entre tous les moments d’une soirée pour finir sifflotée par le chauffeur de taxi qui attend André. Pareillement, certains dialogues sont mi-parlés mi-chantés, ce qui, là encore, instaure un décalage déréalisant et poétisant. Et quels dialogues ! Lubitsch savait jouer comme personne des mots, pour leur sens et leur musicalité ; voir par exemple la manière dont, dans le premier taxi, Mitzi prononce « Monsieur » et André « Madame ». Le ton suffit à l’effet comique, comme quand Mitzi et son mari échangent des mots doux (les mêmes qu’André et Colette) que leurs mimiques annihilent. Mais les silences sont également éloquents (la gêne entre les maris, l’éviction du pauvre amoureux transi). Bref, entrer dans Une heure avec toi, c’est plonger dans un monde de finesse et de subtilités ; les sous-entendus pétillent, les portes se ferment et se rouvrent, les incongruités troublent (pensons à ce valet qui aime tellement voir son maître en collants !), et même le cabotinage de Maurice Chevalier (malgré son épouvantable accent) est par moments irrésistible.
D’autant que la minutie apportée à certains détails, une étiquette à table, une cravate dénouée, donnent une saveur inattendue et très ludique à ce qui pourrait presque passer inaperçu, l’anecdotique devenant signe révélateur - et parfois trompeur. Mais si l’on s’amuse beaucoup à la vision de cette bulle de champagne, c’est aussi affaire de rythme : du début, chasse hilarante aux couples illégaux filmée comme une parodie de film policier, on retient le montage serré, qui se fera plus lâche dans des séquences tendres, en une alternance savamment composée. Quant à la musique (hors chansons), elle amplifie le comique, avec parfois de vraies trouvailles : ainsi, quand André va voir Mitzi, en sachant qu’elle l’attend pour le séduire, part-il au son d’héroïques tambours.
Lubitsch réussit constamment à étonner, et même si l’on connaît sa « touche » spirituelle, faite de suggestions et d’ellipses, certaines inventions gardent leur fraîcheur intacte : les dialogues à voix basse entre Mitzi et Colette, qui aboutissent à un émerveillement devant la capacité d’André à… faire la chouette ; la lumière au-dessus du lit, alternativement allumée et éteinte jusqu’à ce que le mari dévisse l’ampoule ; le cadrage qui cache et dévoile le baiser entre André (dont on voit la tête) et Mitzi (dont on voit les pieds). Inutile, malgré notre envie, de multiplier les exemples : quand on voit, le sourire aux lèvres, Une heure près de toi, on est tenté de le partager, de le raconter, d’exprimer sa joie mais rien ne remplace le délicieux vertige que procure le film. On ne peut qu’encourager tout le monde à le regarder et à ne surtout pas se priver de ce plaisir ineffable.
Les suppléments :
Frédéric Mercier (19mn) revient sur les circonstances de la réalisation (Cukor avait commencé le film) avant d’en analyser les spécificités (le ton, le motif des parcs, la « fraîcheur sexuelle », la musique comme remède au sentimental, l’influence du théâtre, les interprétations psychologiques). C’est précis et plutôt enlevé. En dehors de cet entretien, le Blu-ray propose une galerie photos fournie et les bandes-annonces des cinq Lubitsch de cette « fournée ».
L’image :
Certes, il y a eu restauration qui donne une image globalement stable et relativement bien définie. Mais pour un film aussi ancien, elle montre ses limites : quelques légers parasites, un grouillement parfois épais, des fluctuations de lumière.
Le son :
La musique et les voix conservent quelques acidités et grincements sans gravité, mais parfois légèrement désagréables. Pas de VF.
– Sortie du combo DVD + Blu-ray : 5 juin 2018
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