Je t’aime, je t’aime
Le 13 octobre 2004
La guerre en polar haletant et magnifique roman d’amour, Japrisot à son meilleur.
- Auteur : Sébastien Japrisot
- Editeur : Folio
- Genre : Roman & fiction, Classique de la littérature
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Remettons-nous dans le contexte de l’époque [1] pour comprendre la double surprise de ce Long dimanche de fiançailles. Voilà un thème, celui de la Première Guerre mondiale, depuis des décennies absent de la littérature française. Effacement du cauchemar par l’oubli, indicible refoulé, impossibilité de témoigner pour les générations qui n’avaient pas vécu la tragédie, voire même censure. Toujours est-il que, dans une sorte d’incapacité de deuil, depuis Le feu de Barbusse, publié en plein conflit, rien ou presque n’avait été écrit sur le sujet. Seconde surprise : l’auteur. Que venait faire l’un des rois du polar à la française dans les tranchées ? C’était faire peu de cas de l’extraordinaire talent de plume de Sébastien Japrisot et de l’incroyable travail de recherche auquel il s’est livré pour faire revivre, comme si on y était, les protagonistes de son histoire.
Hélas, à force de perfectionnisme, notre homme s’est fait griller la politesse par un inconnu qui publiait un an avant lui son roman de la "der des der" : Jean Rouaud et ses poignants Champs d’honneur, prix Goncourt amplement mérité de l’année 1990. N’empêche, Un long dimanche de fiançailles fait du bruit et est couronné par l’Interallié. Puis c’est le silence radio jusqu’à aujourd’hui où - enfin - le thème fleurit sur les tables des librairies, sous forme de documents (Paroles de poilus), de roman-enquête (Le monument, de Claude Duneton) ou de fictions (Les âmes grises, de Philippe Claudel, Dans la guerre, d’Alice Ferney), pour ne citer que quelques-uns des ouvrages les plus aboutis
Japrisot est un pacifiste convaincu et c’est sous cet angle qu’il aborde la Première Guerre mondiale, dénonçant le scandale des "fusillés pour l’exemple", l’absurdité du conflit, l’incurie des chefs. Mais il va bien au-delà, ficelant son histoire comme un roman policier haletant et bouleversant à la fois. Un jeune homme éblouissant de grâce et de candeur disparaît après avoir été envoyé mains liées entre les lignes ennemies, à la suite de son refus d’obéissance. Sa bien-aimée, Mathilde, ne peut, ne veut croire à sa mort. Elle fera tout pour le retrouver. On ne vous en dira pas plus, sinon que la construction de ce roman est celle d’un virtuose, son écriture brillantissime, ses personnages inoubliables. Pas étonnant, dans ces conditions, que Jean-Pierre Jeunet s’en soit emparé pour le cinéma (lire la critique du film) et ait choisi Audrey Tautou pour incarner la douce et obstinée Mathilde, celle qui persiste à espérer envers et contre tout, celle qui fera triompher l’amour quoi qu’il arrive. Encore un de ces personnages de femme lumineux et attachants dont Sébastien Japrisot avait le secret.
Sébastien Japrisot, Un long dimanche de fiançailles, Folioplus Classiques, 2004, 387 pages, 6,60 €
Le texte intégral du roman est accompagné d’un dossier de mise en perspective d’une grande richesse : résurgence du récit de guerre, méthodes de travail de Japrisot, extraits de textes sur la commémoration et le deuil, etc. A la fois pédagogique et passionnant.
[1] Le roman est paru en 1991 aux éditions Denoël
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