Le 4 mars 2020
Ce qui aurait pu être une fable grinçante sur notre société peine à décoller et laissera le lecteur un peu sur sa faim... L’idée était pourtant prometteuse.
- Auteur : Emmanuelle Heidsieck
- Editeur : Les éditions du Faubourg
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 16 janvier 2020
- Festival : Rentrée littéraire 2020
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Résumé : Cette histoire pourrait être intitulée {Les Malheurs de Marco Bueli.} Qu’on se rende compte : trois licenciements à 36 ans quand on est issu d’une grande école d’ingénieur ! Il faut dire qu’il a tout pour agacer, faire des envieux, car cet homme est beau, très beau. Mais il est fatigué de faire des sourires, de séduire malgré́ lui et de finir par se faire avoir. Marco a décidé de se défendre et d’aller en justice pour discrimination liée à l’apparence physique. Après tout, les Américains ont montré la voie et la législation française le permet. Croyez-le, sa beauté ne l’a pas aidé dans sa carrière, il a souffert. À travers le personnage du sublime Marco Bueli et de sa détermination à obtenir réparation, ce roman dépeint ironiquement les excès d’une politique de lutte contre les discriminations qui permet, aujourd’hui, à tout un chacun de se considérer comme victime, légitime à se plaindre. Dans la continuité de ses précédents romans, Emmanuelle Heidsieck pointe ici avec acuité le démantèlement du modèle social français face à la montée de l’individualisme. La concurrence des plaintes entre les discriminés de tous ordres n’annonce-t-elle pas la dislocation de la société ?
Notre avis : S’attaquer à la beauté, la considérer comme un handicap plus que comme un avantage, voilà le postulat de départ de ce roman – à ne pas prendre au pied de la lettre, bien sûr.
Marco, dans la première partie, s’adresse au lecteur, tente de le convaincre du bien-fondé de son action en justice, se justifie, argumente. Tout cela sans révéler grand-chose de sa vie, de ses goûts, de sa jeunesse, de sa vie. Tout se résume à cette beauté qu’il traîne comme un fardeau depuis sa naissance. Comme un discours retranscrit sur papier, cette entrée en matière est très oralisée, et peine à faire décoller son sujet. Multipliant les références (avis aux fans de Downtown Abbey et de Desperate Housewives qui devraient y trouver leur compte), et mimiquant une familiarité gênante, elle lassera les moins motivés. Malgré tout, une fois la fin du livre atteinte, le lecteur comprendra qu’il s’agissait en réalité du plaidoyer du héros, de sa défense face au juge – logique donc qu’il ne dévoile que peu d’éléments biographiques et fasse preuve d’une éloquence un peu ennuyeuse. Un peu moins cohérent par contre que son monologue soit jalonné d’expressions désinvoltes et ordinaires, comme s’il s’adressait à une vulgaire connaissance. L’auteure confie également dans une interview que les phrases entre parenthèses, comme lancées sur la page, sont en réalité des flashs dans la tête de Marco, ce que le lecteur serait bien en peine de deviner par lui-même.
La deuxième partie et l’épilogue ont un peu plus de nerf : Marco passe au second plan, il est relégué au rang de simple personnage et gagne étonnamment en épaisseur. Le lecteur le suit, alors qu’il participe (ou plutôt, assiste…) à un groupe de parole, regroupant des gens beaux qui souffrent. Ils se préparent à leur procès respectif, apprennent à étayer leurs arguments et échangent avec d’autres canons. Plus enlevés, ces deux chapitres transforment un début chaotique en fable amusante et loufoque, critique de notre monde, d’une société dont les membres aiment à se victimiser. Se fondant sur le système américain de discrimination positive, chacun tente de faire valoir ses droits, de justifier ses échecs par un manquement quelconque de la société à son égard, manquement qui reposerait sur une caractéristique intrinsèque, subitement devenue condamnable. Mais nous sommes tous différents, chacun est unique, chacun a une individualité qu’il devrait revendiquer et non chercher à transformer en cause de tous ses problèmes. Défauts et qualités, tout devient prétexte à se camoufler derrière une excuse, pour ne pas assumer ses peccadilles - voilà ce que semble dénoncer ce livre, définitivement loin d’un roman classique.
Les personnages, trop plats, et aux interactions trop rares, desservent une idée de départ qui était excellente et promettait monts et merveilles. Davantage essai un peu maigre que fiction, ce qui se profilait comme une satire grinçante et pleine d’esprit laissera le lecteur un peu sur sa faim, malgré son message intéressant.
Emmanuelle Heidsieck - Trop beau
Les éditions du Faubourg
120 pages
130 mm x 200 mm
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