Le 9 novembre 2020
Après René Allio, c’est au tour de Christian Petzold de se frotter à l’univers du roman d’Anna Seghers. Le résultat est plus qu’estimable, par ses choix judicieux de mise en scène.
- Réalisateur : Christian Petzold
- Acteurs : Matthias Brandt, Maryam Zaree, Franz Rogowski, Paula Beer, Godehard Giese, Lilien Batman
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h41mn
- Date télé : 9 novembre 2020 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 25 avril 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : De nos jours, à Marseille, des réfugiés fuyant les forces d’occupation fascistes rêvent d’embarquer pour l’Amérique. Parmi eux, l’Allemand Georg prend l’identité de l’écrivain Weidel, qui s’est suicidé pour échapper à ses persécuteurs. Il profite de son visa pour tenter de rejoindre le Mexique. Tout change lorsque Georg tombe amoureux de la mystérieuse Marie, en quête désespérée de l’homme qu’elle aime, et sans lequel elle ne partira pas…
Critique : Il s’agit de la seconde adaptation d’un roman éponyme d’Anna Seghers, écrivaine allemande juive et communiste. Dotée d’une forte charge autobiographique, cette œuvre publiée en 1944 avait également inspiré René Allio en 1990. Il n’est guère étonnant que Christian Petzold ait voulu lui aussi s’approprier un matériau qui fait écho à ses films antérieurs, drames austères sur fond historique. Barbara relatait les déboires d’une femme cherchant à quitter la RDA pour se réfugier à l’Est, quand le très hitchcockien Phoenix brodait une stupéfiante histoire de manipulation dans le contexte du Berlin de l’immédiat après-guerre. Dans Transit, il est également question de fuite, mensonges administratifs, traques et faux-semblants, les personnages de Georg et Marie devant faire des choix cruciaux afin de sauver leur peau, en tenant compte des contraintes liées à l’attachement à des êtres proches. Le thème du double est également récurrent chez Petzold ; mais là, les malentendus au sujet des identités tout comme le trafic de passeport auquel est mêlé Georg trouvent aussi de troublantes correspondances avec l’ambiance de Monsieur Klein de Joseph Losey, qui évoquait les rafles des juifs sous l’Occupation.
- Copyright Piffl / Arne Höhne. Presse + Öffentlichkeit
L’originalité de la démarche du cinéaste est surtout d’avoir greffé le récit initial au décor actuel de Marseille. Car Transit n’est pas une reconstitution historique, et cherche à montrer l’universalité (voire l’actualité) du thème des réfugiés et des traques policières. Ce que l’on prend au départ pour d’insolites anachronismes (une conversation sur des vacances à Marrakech ou l’uniforme des forces de l’ordre comportant en outre des éléments féminins), si on pense que le récit se déroule dans les années 40, se révèle vite une mise en abyme réelle, même si le réalisateur ne force pas le trait et a refusé un cadre strictement contemporain (il nous évite ainsi les smartphones ou tablettes), jouant sur l’ambiguïté. En fait, certains lieux et costumes semblent intemporels (petits bistrots de quartier sur le port, chemisiers classiques et sobres), renforçant le trouble suscité par le dispositif. « Les personnages […] sont coincés à Marseille, ils attendent des bateaux, des visas, des transits. Ils tentent de fuir. Pour eux, il n’y aura pas de retour possible. Et pas d’issue. Personne ne veut les accueillir […], s’occuper d’eux, personne ne s’aperçoit de leur présence, hormis les policiers, les collaborateurs et les caméras de surveillance. Ils sont en passe de devenir des fantômes, entre la vie et la mort, entre le passé et le présent ».
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Le terme de fantôme mentionné dans ces propos du cinéaste n’est en outre pas une simple métaphore, tant il joue dans son film d’apparitions furtives dont on ne sait si elles sont le signe de l’imagination de Georg ou d’une dimension semi-onirique du scénario. Certes, le film n’est pas exempt de maladresses : on regrettera ainsi la voix off explicative et redondante d’un narrateur (Jean-Pierre Darroussin), défaut qui était aussi celui de La Douleur d’Emmanuel Finkiel, d’après Marguerite Duras. Mais Transit est une œuvre de bonne tenue, plus cérébrale que délibérément romanesque, subtile dans sa construction, et comportant des choix techniques judicieux, comme ce format Scope permettant une chorégraphie où les protagonistes se racontent des choses aussi par leurs mouvements. D’un casting franco-allemand hétéroclite, on retiendra la présence de la radieuse Paula Beer, qui avait été révélée par Frantz de François Ozon.
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