Me reconnais-tu ?
Le 15 mai 2015
Excellente édition DVD de cette magnifique variation sur le thème de Pygmalion qui réussit à traiter sur un mode à la fois ludique et grave du déni, du refus de voir ce qui crève les yeux.
- Réalisateur : Christian Petzold
- Acteurs : Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Imogen Kogge, Nina Kunzendorf, Michael Maertens, Daniela Holtz, Valerie Koch, Eva Bay
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Editeur vidéo : Diaphana Édition Vidéo
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 28 janvier 2015
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– Sortie du DVD : 3 juin 2015
Petzold reforme le couple de Barbara dans cette magnifique variation sur le thème de Pygmalion qui réussit à traiter sur un mode à la fois ludique et grave du déni, du refus de voir ce qui crève les yeux.
L’argument : Juin 1945. Grièvement défigurée, la chanteuse Nelly Lenz
(Nina Hoss), seule survivante d’une famille déportée à Auschwitz, retourne dans un Berlin sous les décombres. Elle est accompagnée de sa fidèle amie, Lene (Nina
Kunzendorf), employée de l’Agence Juive.
Tout juste remise d’une opération de reconstruction faciale, Nelly part à la recherche de son mari, Johnny (Ronald Zehrfeld), malgré les mises en garde suspicieuses de Lene.
Johnny est convaincu que sa femme est portée disparue. Quand Nelly retrouve sa trace, il ne voit qu’une troublante ressemblance et ne peut croire qu’il s’agit bien d’elle. Dans le but de récupérer son patrimoine familial, Johnny lui propose de prendre l’identité de sa défunte épouse.
Nelly accepte et devient son propre double. Elle veut savoir si Johnny l’a réellement aimée ou s’il l’a trahie…
Notre avis : Le film est ... le récit d’un retour d’entre les morts, d’une renaissance suivie d’un cheminement douloureux vers l’âge adulte à l’issue duquel l’héroïne pourra se libérer d’un passé, d’une vie et d’une identité antérieures qu’elle est obligée d’abord de reconstruire, de ressusciter pour pouvoir s’en défaire, depuis ses premiers pas chancellants dans la chambre d’hôpital, le visage envelloppé de bandelettes telle une frêle momie (on pense forcément aux Yeux sans visage), jusqu’à sa sortie de champ finale, lorsqu’elle s’échappe du film (Petzold interdisant tout simplement à son opérateur de faire le point sur elle lorsqu’elle s’éloigne).
Cette renaissance passe par le biais d’une opération de reconstitution qui, Hitchcock toujours, vient tout droit de Vertigo, c’est à dire du mythe de Pygmalion et Galatée, le cinéaste et son co-scénariste Harun Farocki ayant décidé de reproduire l’histoire de la transformation de la femme vivante en sosie d’une femme (crue) morte qui n’est autre qu’elle même, mais en adoptant son point de vue à elle et non plus celui de l’homme.
- Phoenix © Diaphana edition video
S’aventurant en terrain périlleux (associer Auschwitz et le roman de gare, ce qu’il appelle lui-même le pulp) avec une audace contrôlée, visant l’effet maximum sans verser dans la complaisance (par exemple en gommant en partie la dimension érotique du roman pour éviter de tomber, comme tant d’autres, dans l’amalgame inepte entre nazisme et perversion sexuelle, rien n’étant, comme il tient à le rappeller, plus aseptisé et désérotisé que cette idéologie dont l’horizon serait la clinique désinfectée et l’élevage de poulets en batterie), il réussit un film qui garde une dimension ludique mais avec de véritables enjeux dramatiques, moraux, existentiels.
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Le DVD
- Phoenix © Diaphana edition video
Une édition DVD soignée du film de Petzold qui, sans renouveler tout à fait le succès de Barbara, a néanmoins rencontré un succès considérable lors de son exploitation française début 2015, attirant plus de 170 000 spectateurs dans les salles.
Les suppléments
Les compléments de programmes sont succincts mais de qualité : deux interviews passionnantes, d’une dizaine de minutes chacune, réalisées spécialement pour cette édition française, apportent un éclairage précieux sur le film par ceux qui en sont les artisans principaux.
– Christian Petzold parle des films qui, comme le sien, commencent par un plan de voiture arrivant dans une ville (comme Lola de Demy), de ce qu’on ne peut ou doit pas représenter (le contre-champ inutile du visage défiguré de Nelly lorsque le soldat lui demande d’enlever le pansement), des personnages qui luttent pour se libérer du poids de leur exemplarité (le regard caméra de Sylvia Bataille à la fin de Partie de campagne, le plus beau film existant, qui nous dit : j’ai raté ma vie mais je ne représente rien d’autre que moi-même), d’Annah Arendt, des fantômes du présent qui hantent le passé.
– Nina Hoss explique sa manière de se préparer à un rôle, évoque Primo Levi et Hertha Müller (inventer une nouvelle langue pour dire l’expérience de la faim dans Atemschaukel - La Bascule du souffle), du refoulement de la période nazie dans l’Allemagne des années 50 (l’héroïne du film s’étonne que personne ne lui pose de questions sur ce qu’elle a vécu, ni même ne sois surpris de la voir revenir d’un camp en robe rouge, maquillée, telle qu’elle était avant), de l’actualité du film historique qui ne parle au bout du compte que du présent, de sa collaboration suivie avec Petzold, chaque nouveau projet ne prenant pas le contre-pied du précédent mais opèrant un déplacement de 10 degrés et ouvrant une nouvelle perspective.
– On pourra également visionner quelques bandes-annonces dont évidemment celle du film.
Image
Un report de qualité permet d’apprécier dans les meilleures conditions la très belle photo signée Hans Fromm, en particulier lors des nombreuses scènes nocturnes ou sous-éclairées (notamment celles se déroulant dans le sous-sol).
Son
Deux options sont proposées : Stéréo 2.0 et 5.1. L’une et l’autre rendent justice au superbe travail de spatialisation sonore réalisé par Andreas Mücke-Niesytka ainsi qu’aux très beaux arrangements de thèmes de Kurt Weill composés par Stefan Will, musicien attitré de Petzold depuis près de vingt ans.
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