Édith Scob masquée par Pierre Brasseur
Le 22 juillet 2023
Grande réussite du fantastique poétique, cette œuvre de Franju est désormais culte. Le jeu grandiose de Pierre Brasseur et la grâce d’Edith Scob contribuent à son pouvoir d’attraction.
- Réalisateur : Georges Franju
- Acteurs : Alida Valli, Pierre Brasseur, Édith Scob, Juliette Mayniel, Marcel Pérès, Béatrice Altariba, Yvette Étievant, Charles Blavette, Michel Etcheverry, René Génin, Gabrielle Doulcet, Alexandre Rignault, François Guérin, Lucien Hubert
- Genre : Drame, Épouvante-horreur, Noir et blanc, Film culte
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Editeur vidéo : René Chateau vidéo
- Durée : 1h28mn
- Date télé : 19 août 2019 22:30
- Chaîne : Arte
- Reprise: 6 juin 2001
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 11 janvier 1960
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Résumé : Le docteur Génessier, célèbre chirurgien esthétique, veut greffer un visage à sa fille Christiane, défigurée dans un accident de voiture dont il est responsable. Il a installé un laboratoire dans sa propriété où Louise, son assistante dévouée, attire des jeunes filles.
Critique : Adapté d’un roman de Jean Redon par Boileau et Narcejac, les auteurs qui avaient inspiré Les diaboliques et Vertigo, Les yeux sans visage constitue l’une des rares incursions du cinéma français dans les genres du fantastique et de l’épouvante/horreur. À une époque où la Hammer en Angleterre ou Mario Bava en Italie donnaient leurs lettres de noblesse à la série B européenne spécialisée dans ce créneau, les sociétés Champs-Élysées Productions et Lux Film tentèrent le pari de le transposer dans l’Hexagone, confiant la réalisation du film à Georges Franju. Surtout réputé jusqu’alors pour ses courts-métrages documentaires (Le sang des bêtes), celui-ci se montre à la hauteur du projet. Franju distille d’emblée un climat de mystère dès l’inquiétante séquence d’ouverture, qui voit une femme (Alida Valli) conduire en pleine nuit une 2 CV et se débarrasser d’un corps qui était à l’arrière du véhicule, dont on ne perçoit que l’imperméable et le chapeau. Les notes de musique de Maurice Jarre et le splendide noir et blanc d’Eugen Schüfftan, loin de vouloir imiter l’atmosphère sombre des classiques de Browning et Whale, suscitent un sentiment d’étrangeté dans un cadre réaliste, qui traversera toute l’œuvre. Le volet réaliste apparaît dans une enquête policière menée par deux inspecteurs bienveillants, mais pas très vifs (Alexandre Rignault et Claude Brasseur), à propos de la mystérieuse disparition de jeunes filles. Cet aspect policier du récit, s’il se veut rationnel, est tempéré par un décalage et un ton de comédie, apparaissant notamment à travers le personnage de Paulette (Béatrice Altariba), la jeune voleuse qui servira d’appât. Une conférence sur la greffe de peau, tenue par le vénérable docteur Génessier (Pierre Brasseur), assure la transition avec le volet d’épouvante du récit.
Si certains critiques de l’époque avaient déploré un « exhibitionnisme sanguinolent » (Gilbert Salachas), l’aspect gore des images des scènes d’horreur (une extraction de peau sur le visage de Juliette Mayniel, un corps massacré par une meute de chiens), paraîtra aujourd’hui anodin, tout en gardant son impact terrifiant. Car ce qui intéresse Franju est précisément le décalage entre l’univers du réel et l’imaginaire propre au fantastique. Réticent vis-à-vis du genre, le cinéaste lui donne une dimension poétique et surréaliste, plus proche de la démarche de Cocteau (La Belle et la Bête) que des ambiances de Dario Argento. Les yeux sans visage atteint ainsi le sublime dans les déambulations d’Édith Scob, d’une grâce inégalée. Son allure d’oiseau blessé, son regard mélancolique sous son masque protecteur et sa démarche de somnambule, colombe sur l’épaule, appartiennent désormais à la mythologie du cinéma. Si la jeune actrice contribue énormément au pouvoir de fascination du film, son partenaire Pierre Brasseur, sobre et inquiétant, réalisait la meilleure prestation de sa carrière, quinze ans après Les enfants du paradis. Curieuse personnalité que ce médecin, tuant au nom de l’amour paternel, oscillant entre le désir de sauver sa fille et d’accomplir une œuvre médicale, et entretenant des rapports équivoques avec les autres femmes. Exerçant un ascendant sur son assistante, mentant ouvertement à la mère (Yvette Étiévant) d’un enfant malade, il joue la carte de la franche goujaterie devant une admiratrice plus très jeune (Gabrielle Doulcet). Mi-docteur Frankenstein, mi-tueur en série, il est désormais l’une des créatures les plus sombres du cinéma fantastique. Longtemps considéré comme mineur, Les yeux sans visage est désormais un film culte de la cinéphilie mondiale. Nombre de cinéastes lui ont rendu hommage, de John Carpenter à Leos Carax, en passant par John Woo et Pedro Almodovar.
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