To the 5 boroughs

Adrock, Mike D et MCA posaient il y a quelques années sur la photo de leur best of en Mathusalems du rap avec cannes, barbes et moustaches de papys Brossard. Se remémorant les années où ils faisaient gicler les bières sur scène aux côtés de strip-teaseuses en cage. A l’écoute de To the 5 boroughs, il est pourtant difficile de parler de sénilité précoce et quant à dire que nos trois New-Yorkais sont retombés en enfance, il faudrait d’abord supposer qu’ils en soient sortis. On peut en douter quand on en lit des lyrics du type : "Je voudrais de la laitue, de la tomate et du munster sur du seigle / Tout ce fromage va me faire pleurer / Gorgonzola, provolone, me chauffe pas quand j’ai le micro" (Shazam !).

Alors, évidemment, To the 5 buroughs est l’album le moins kaléidoscopique des Beastie Boys, qui nous avaient habitués à de vrais feux d’artifice depuis le gargantuesque Paul’s boutique en 1989. Le single Ch-check it out est un peu décevant à côté des Sabotage ou Fight for your rights qui ont fait d’eux les héros de la skate génération. Mais ce n’est certainement pas le disque le moins nerveux de leur carrière : les Beasties s’en sont tenus à un son minimaliste, old-school où les breakbeats agités et les boucles acid ont la part belle. A côté des samples de Run DMC ou Sugarhill Gang, un Crawlspace s’inspire subtilement d’Eric B & Rakim et de Cypress Hill.

Le passé n’est pas invoqué en vain puisque The 5 buroughs est un hommage à la New-York multi-raciale qui les a élevés. Le plus bel exemple : un An open letter to NYC superbement construit autour d’un sample des Dead Boys. Ailleurs les Beastie Boys se lancent dans des joutes contre des ennemis imaginaires ou réels (W et sa sale guerre). Ou dans la célébration de petites joies : "Quand j’ai le mic, je suis bien, c’est comme un chocolat chaud en rentrant d’école un jour d’hiver". Après Delerm et sa gorgée de bière, voici donc Mike D et sa tasse de cacao. Mais pour prouver que les Beasties tiennent la grande forme, rien ne vaut des proclamations ineffables et intraduisibles du tonneau de "Stuck in your ass is an electrician !" (Ch-check it out). Comme quoi on a beau compter le dalaï-lama parmi ses amis, on n’a pas toujours que des choses spirituelles à dire.