Le 21 octobre 2024
John Woo réalise un remake décevant de son film culte. L’originalité et l’audace de l’œuvre d’origine laissent place à un produit convenu et sans âme.
- Réalisateur : John Woo
- Acteurs : Éric Cantona, Tchéky Karyo, Saïd Taghmaoui, Omar Sy, Sam Worthington, Grégory Montel, Nathalie Emmanuel, Diana Silvers, Michaël Erpelding, Hugo Diego Garcia
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action, Remake
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h05mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 23 octobre 2024
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Résumé : Lors de l’exécution de son dernier contrat, une tueur à gages provoque la cécité d’une jeune chanteuse. Elle va alors tout faire pour la protéger...
Critique : En 1989, The Killer avait été, avec Le syndicat du crime, un sommet de l’art de John Woo et une perle du cinéma asiatique, renouvelant les codes du polar tout en rendant hommage à des maîtres du genre, dont Melville. Le réalisateur hongkongais a toujours projeté d’en faire un remake américain et ou européen, épaulé par la firme Universal. Après plusieurs tentatives avortées, le rêve a pu être concrétisé, par le biais de plusieurs sociétés de production dont eOne Films et Atlas Entertainement, avec un casting international porté par la Britannique Nathalie Emmanuel et le Français Omar Sy, reprenant respectivement les rôles tenus à l’origine par Chow Yun-fat et Danny Lee. Tournée à Paris, la nouvelle mouture est distribuée dans les salles par Universal après une diffusion sur la plateforme américaine Peacock. Le résultat laisse pantois et dubitatif, et la déception est grande. On ne reprochera pas à John Woo d’avoir voulu refaire l’un de ses films. Après tout, Alfred Hitchcock avait bien livré deux versions de L’homme qui en savait trop, celle de 1956 valant bien l’originale anglaise de 1934. Il en a été de même avec Leo McCarey pour ses deux visions de Elle et lui, en 1939 puis en 1957, ou d’un Haneke livrant Funny Games U.S. après le choc de Funny Games. Mais ici, on a du mal à saisir l’intérêt de cette relecture. « Le film culte a enfin sa nouvelle version », ose annoncer le slogan publicitaire sur l’affiche française, comme si tout classique du cinéma devait impérativement être refait tous les vingt ans par son réalisateur ! À moins que les graphistes aient cru à l’existence d’une version restaurée en 4K du modèle original…
- Nathalie Emmanuel
- © 2024 Universal Studios. All Rights Reserved.
Dès l’ouverture, le rire involontaire peut apparaître, avec ce plan fixe montrant Zee, la protagoniste, regarder par sa fenêtre une superbe vue dont celle sur la tour Eiffel. On ne reprochera pas à John Woo d’avoir filmé la capitale sous ses angles touristiques, du Sacré-Cœur à l’Arc de Triomphe, tant d’autres cinéastes étrangers l’ont fait avant lui (mais avec talent), de Stanley Donen pour Drôle de frimousse à Woody Allen avec Minuit à Paris. Mais ici, on frôle l’indigestion de clichés, jusqu’au personnage de la jeune chanteuse (Diana Silvers) déclarant avoir été naguère contrainte de dormir sous le pont Neuf… D’ailleurs, les dialogues ont du mal atteindre la subtilité, et ce dans le cadre d’un scénario qui est quasiment le même que pour la version initiale. Comme quoi le cinéma n’est pas seulement une question d’écriture mais aussi d’inspiration visuelle et de mise en scène. Or, John Woo peine à transcender le matériau de base, qui voit une tueuse professionnelle tentant d’échapper à la fois aux policiers et à ses supérieurs, afin de sauver une innocente. Le rajout d’une histoire de compromission des autorités policières et politiques, complaisantes envers un prince saoudien (Saïd Taghmaoui) se livrant à un trafic de drogue, est une fausse plus-value opportuniste, destinée à donner le beau rôle à Omar Sy en gentil flic chargé de dénoncer ces hauts complots.
- Omar Sy
- © 2024 Universal Studios. All Rights Reserved.
Quant à la réalisation, elle ne dépasse pas le niveau d’un produit Netflix ou d’un téléfilm de luxe, les vols de pigeons dans une église désacralisée convoquant en vain l’ombre d’une poésie d’un autre temps. On est plutôt dans la catégorie des Taxi et autres Fast & Furious, avec une louchée d’ambiance à la Luc Besson, si l’on songe à la tueuse à gages qui cache un cœur tendre, comme dans Nikita (Tchéky Karyo est d’ailleurs ici également présent, dans le rôle d’un commerçant de confiance pour l’héroïne). Pour le reste, tout est esbroufe ou pétard mouillé, d’une prise d’otage ridicule sur les bords de la Seine à l’attaque invraisemblable d’un hôpital, en passant par une tuerie au sabre dans une discothèque branchée, sans parler des froncements de sourcils d’un Éric Cantona aussi crédible en parrain que Benoît Poelvoorde dans L’amour ouf. Certes, tout n’est pas à jeter dans The Killer et les collaborateurs artistiques et techniques ne déméritent pas, tels le directeur photo Mauro Fiore (Avatar) et la cheffe décoratrice Aline Bonetto (Yves Saint Laurent). Mais de John Woo, on attendait mieux, même si le réalisateur avaient commis d’autres ratés avec Windtalkers ou Paycheck. On a hâte de retrouver l’auteur magistral de À toute épreuve et Volte/Face.
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