Volte/Face - John Woo - critique

Critique : Castor Troy, dangereux terroriste, est tombé dans le coma à la suite d’un affrontement avec Sean Archer, agent de la CIA. Grâce à une intervention chirurgicale, Archer prend le visage de Troy pour faire avouer au frère de ce dernier l’emplacement d’une bombe. Mais Troy sort du coma et prend à son tour le visage d’Archer. Illustrer au sens propre le proverbe « L’habit ne fait pas le moine », changer intégralement de visage grâce à la chirurgie plastique pour se glisser dans la peau d’un autre : tel est le postulat de départ proposé. Bien qu’extrême, nous devons y adhérer sans quoi le tout ne peut fonctionner. La scène de l’intervention chirurgicale est donc condamnée à la vraisemblance. Et c’est heureusement le cas. En pleine maîtrise de son œuvre, John Woo parie sur un habile mélange entre réalisme et technologie fantasmée.
Avant Volte/Face, le cinéaste hongkongais, prodige reconnu du thriller et de l’action survoltée grâce à ses réalisations chinoises, a vécu une expérience aux États-Unis en demi-teinte. Ses deux précédents films américains ont reçu un accueil mitigé. Il ose Jean-Claude Van Damme en tête d’affiche de Chasse à l’homme (1993) et collabore pour la première fois avec John Travolta dans Broken Arrow (1996). Voilà les seules données à retenir de ces rejetons indignes du talent du metteur en scène. La machine hollywoodienne écrase ses capacités et semble détériorer son style caractéristique.
Paradoxalement, c’est avec cette histoire de transformation physique et d’échange de visage que John Woo récupère l’identité qui fait la force de son cinéma.
Doté d’une plus grande liberté par les producteurs, dont Michael Douglas, il retrouve son empreinte : une mise en scène nerveuse mais toujours lisible, des acrobaties, un sens de l’esthétisme prononcé et un penchant pour les ralentis. Sans oublier une pointe de second degré.
Tous les ingrédients sont réunis dans ce long métrage où s’affronte le prestigieux duo d’acteurs Nicolas Cage/John Travolta : une bataille mentale et charnelle qui permet aux deux stars d’interchanger les rôles de gentil et méchant. Dans cet exercice, Travolta, plus en retrait, est meilleur que Cage, ce dernier se laissant aller à trop de simagrées.Permuter les conditions de vie entre un agent de la CIA droit dans ses bottes et un terroriste prônant le chaos est une idée plaisante. On aurait peut être aimé que le scénario aille plus loin sur l’aspect de la compréhension de l’autre aussi bien que la difficulté psychologique à vivre hors de son cadre habituel.
Malgré ces réserves et quelques baisses de rythme ça et là, le film est une réussite. Son lot de suspense, de cascades et de fusillades intenses, le place parmi les meilleurs films d’action des années 1990. C’est en tout cas la meilleure réalisation de John Woo pendant sa période d’exil hollywoodien de 1993 à 2005.
L’occasion pour lui de connaître un succès critique et commercial. Bien que ciblant un public adulte et donc potentiellement pénalisé par cette restriction, le film au budget confortable de 80 millions de dollars se paye le luxe de tripler ses recettes dans le monde.
Volte/Face reste la deuxième plus grosse performance au box-office américain et mondial de John Woo derrière le mastodonte Mission Impossible II.