Chassé-croisé
Le 3 décembre 2012
Dans le paysage urbain coréen, un jeu de piste donne lieu à une traque survoltée. Sur une palette de tons variés, un premier film d’action et de suspense réussi à l’esthétique soignée.
- Réalisateur : Na Hong-jin
- Acteurs : Ha Jung-woo , Kim Yoon-seok, Ha Jeong-woo, Seo Yeong-hee
- Genre : Action, Thriller
- Nationalité : Sud-coréen
- Durée : 2h03mn
- Titre original : Chugyeogja
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 18 mars 2009
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma
- Festival : Festival de Cannes 2008
Résumé : Hoong-ho, ancien flic devenu proxénète, reprend du service lorsqu’il se rend compte que ses filles disparaissent les unes après les autres. Très vite, il réalise qu’elles avaient toutes rencontré le même client, identifié par les derniers chiffres de son numéro de portable. Joong-ho se lance alors dans une chasse à l’homme, persuadé qu’il peut encore sauver Mi-jin, la dernière proie du tueur.
Critique : S’il était nécessaire de trouver une correspondance cinématographique à l’expression de “théâtre de la cruauté”, il semble que le filon coréen serait un prétendant sérieux. The Chaser a beau assumer ostensiblement, par son aspect ludique et “course-contre-la-montre”, l’héritage des films d’action et des thrillers américains à la John McTiernan, il fait preuve d’une singularité réelle, de plus en plus déroutante au fur et à mesure qu’avance le film. À partir d’un début classique consistant en poursuites et chasse à l’homme sur un rythme effréné où le réalisateur use et abuse des effets les plus spectaculaires - caméra à l’épaule, montage rapide en parallèle... -, le récit revêt des caractères surprenants, en mélangeant notamment des registres extrêmement variés. The Chaser n’est en effet pas dénué d’un côté comique, voire burlesque, où l’humour agit aussi bien comme une satire contre la société coréenne contemporaine dans ses excès de consommation ou ses incohérences bureaucratiques, que comme une soupape de détente pour le spectateur. Kim Yoon-seok parvient parfaitement à faire fonctionner ces grands écarts de tons, mais l’ambiance décalée des piquantes scènes de dialogue est également servie par d’excellents rôles mineurs au jeu expressif et outrancier.
Pourtant, si la démence peut confiner à un comique absurde, c’est davantage vers son pan obscur que penche The Chaser. Le film refuse de nous donner les motifs du tueur ou de lui plaquer, comme dans une scène impressionnante le confrontant à un criminologue, un profil psychologique défini ; et c’est ce qui rend ici le récit si terrifiant : la violence s’y présente tout simplement “pour rien”, presque sans cause morale ou immorale. On frappe à coups de ciseau à tailler la pierre ou de marteau, dans des ralentis quasi insoutenables, proportionnellement à la force avec laquelle le film veut marquer le spectateur. Le plus dérangeant n’est pas que par un renversement de valeurs, le héros soit un ancien policier devenu proxénète, ou le meurtrier un jeune homme à l’aspect angélique : en vérité, l’action retire tout son sens au mot même de “valeur”. À cet égard, le film semble se placer sous l’aile symbolique de Park Chan-woo, qui lui aussi aime à voler d’un extrême à un autre en démolissant tous les lieux communs présents sur son passage. Mais The Chaser développe bien son esthétique propre, n’hésitant pas à combiner des sources d’inspiration détonantes : le cinéaste y montre son admiration pour la tradition du film noir, mais on peut supposer que sa formation de plasticien - il a en poche un diplôme d’arts graphiques - l’a encouragé à intégrer dans des décors glauques et verdâtres les atmosphères sordides de la vague de l’horreur japonaise des années 1990-2000 ou des jeux vidéo à la Silent Hill. En concentrant l’action sur un petit choix de lieux par lesquels les personnages passent et repassent, le film devient labyrinthique et plonge le spectateur dans une confusion encore accrue par l’utilisation du format “scope”, qui permet d’insérer une grande variété de détails dans l’écran. Le cinéma coréen semble ainsi être travaillé par les figures du ressassement, de l’obsession du “Il est déjà trop tard”, de la vengeance, qui rendent ses héros à la fois si troublants et si touchants dans leur désarroi. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander : ne serions-nous pas nous aussi tout ensemble fragiles et implacables ?
- © Haut et Court
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Norman06 19 mars 2009
The Chaser - Na Hong-jin - critique
Surfant sur la vague du film d’action asiatique, très tendance dans la cinéphilie mondiale, Na Hong-Jin signe un thriller efficace. Tous les ingrédients du polar contemporain défileront ensuite sur l’écran : course-poursuite choc, tueur sadique supérieurement intelligent, policiers incompétents et bornés, fausses pistes et coups de théâtre à gogo, petite boutique aux horreurs. Cela suffit-il à déceler le nouveau film culte du genre ? Certainement pas. Il manque un Park Chan-wook pour prendre du recul avec un scénario au goût de réchauffé.
roger w 28 mars 2009
The Chaser - Na Hong-jin - critique
Quelque part entre "old boy" et "memories of murder", ce nouveau polar coréen est tout à fait enthousiasmant. Démarrant de manière étrange, il passionne de bout en bout grâce à une superbe mise en scène et à une histoire originale. D’une diabolique efficacité (attention aux âmes sensibles), cette chasse à l’homme nous donne son lot d’émotions fortes. Excellent.