The A.M. 

The A.M. démarre avec un bagage à la fois avantageux et lourd à porter : Michael Tighe (chant et guitare) et Parker Kindred (batterie), qui ont été rejoints par Andrew Wyatt (basse et claviers), peuvent se prévaloir d’avoir accompagné Jeff Buckley. C’est autant une référence qui fera dresser l’oreille qu’un monument de haute architecture qui pourrait facilement faire planer sur eux l’ombre de la déception.

Mais la filiation s’arrête là et c’est sans outrecuidance que les trois compères nous offrent un rock aux accents quelque peu surannés n’ayant pas grand chose à voir avec les ballades angéliques de la star qui a bu la grande tasse. Loin de se laisser aller à exploiter les recettes d’un succès à jamais révolu, ils veulent se faire connaître pour eux-mêmes, et l’album exhale plutôt l’humble effort de musiciens qui jusque-là étaient restés au second plan, derrière une personnalité, dont le charisme attirait à lui seul toute l’attention du public.

C’est bien la guitare rythmique de Tighe, soutenue par le jeu de batterie sobre et très seventies de Kindred, qui est la base de toutes les lignes mélodiques, et Wyatt, avec ses synthés et ses samplers, est venu enrichir les compositions avec d’agréables accompagnements qui les colorisent dans des jeux d’harmonie fréquemment inventifs. Et même si parfois le son aurait gagné à être un peu plus travaillé, on se laisse charmer par un rock qui, à l’instar de pionniers du genre comme les Doors ou le Velvet Underground, dans un cadre de relative simplicité musicale, tire constamment vers des intonations jazzy savoureuses.

Le disque démarre malencontreusement sur d’allègres chansons pop pas très originales et assez basiques (Changeling, If I was the sheriff, Utopia) qui ont tendance à faire serrer les lèvres, mais il révèle bientôt plus de variétés avec le riff un peu grunge, assorti d’un beat hip-hop bien ajusté, d’Isolation, et la ballade lyrique qu’est It’s pouring. Vient ensuite It’s not for me, qui ressemble à une version pop du style récent de Pearl Jam, puis une touche de funk sur Spellbound et Deep city diver, un petit entremets où Tighe intervient en solo (Transgression), le riff velouté et planant de Chanay, encore une espèce de mélange pop/grunge bien sympathique sur There is a time, et pour finir une ballade mêlant l’acoustique de Tighe aux effets de Wyatt : Colors are beginning to deepen.

Un premier album sans prétentions, donc, qui laisse présager d’une suite intéressante.