Le 8 mars 2025


- Scénariste : Gérard Cousseau>
- Dessinateur : Shinja
- Genre : Drame
- Editeur : Grand Angle
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 26 février 2025
Gérard Cousseau écrit le scénario de cette BD très émouvante, qui se déroule sur toute une vie. Il a réalisé les story-boards tandis que Abdessalam « Shinja » Moutaqid assure un très beau dessin et nous offre des couleurs mouvantes.
Résumé : {Soà. Le Silence de mes cris} commence en 1886, au large de la Bretagne, sur l’île Soline. Depuis la plage, un vieil homme observe un marin bloqué en mer. Dans une barque, Yann, le fils du marin accompagne son oncle pour intervenir mais une vague emporte le pauvre marin qui disparaît dans les flots, laissant Yann orphelin...
Critique : Gérard Cousseau sait détourner nos attentes. On démarre sur cet accident maritime, on pressent une histoire de mer, un fils frappé par la mort de son père, la Bretagne de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Et tout d’un coup, on découvre que nous allons suivre Soà, une fillette qui a environ deux ans au moment de l’accident. Le marin qui a tenté de sauver le père de Yann, c’est son père à elle. Soà est sourde et muette. Elle a la chance de pouvoir quitter le village pour suive des études et là, commence une nouvelle vie avec ses bonheurs et ses drames. C’est toute l’existence de cette fille que cette BD parcourt, de ses deux ans jusqu’à sa vieillesse. Une femme volontaire, qui porte un lourd secret et qui se battra sa vie durant pour elle et pour les autres.
Au travers de ce personnage, Gérard Cousseau nous dépeint le contexte historique qu’elle a connu : les deux guerres mondiales, le combat des femmes pour leurs droits, et il intègre aussi des éléments véridiques que l’on ne connaît pas forcément. L’histoire de Soà commence à mêler fiction et réalité, tant et si bien qu’on se demande à la fin de la BD si elle a vraiment existé.
Le cahier final de six pages mélangeant photos, dessins et textes nous apporte la réponse. Soà demeure un personnage de fiction, mêlant des histoires vraies arrivées à nombre de gens. Mais on se fait happer par cette fiction, ce faux biopic qui nous donne de vraies émotions.
© Gérard Cousseau, Abdessalam « Shinja » Moutaqid / Grand Angle
A partir des story-boards de Gérard Cousseau, le dessinateur « Shinja » a réalisé une BD à l’encrage fin et aux couleurs magiques. Le parcours de Soà nous touche énormément et le dessin y est pour autant que le scénario. La finesse du trait se mêle habilement au jeu des couleurs. Les bleus teintés de rose de l’aube, les oranges du soleil d’après-midi, les ombres qui se déplacent, les teintes noires et vertes de la mer furieuse, tout concourt à créer une ambiance graphique, presque de peinture, autour de ces personnages bien vivants dont nous nous interrogeons sur l’avenir.
« Shinja » réussit un tour de force en faisant également vieillir ses protagonistes, les années passent, et nous reconnaissons le père, Soà, Yann et leur entourage. Les visages se creusent doucement, les cheveux grisonnent, les enfants prennent une partie des traits des parents. Et si la beauté bucolique des paysages nous emmènent loin, les horreurs de la guerre ne sont pas oubliées pour autant. La fumée des explosions, la boue, les flammes apportent consistance à des scènes fortes.
Soà. Le Silence de mes cris est une belle surprise, une histoire qui parvient à nous émouvoir sur la vie d’une femme entre dix-neuvième et vingtième siècle, servie par un dessin d’une belle finesse aux couleurs subtiles.
80 pages – 17,90 €