Le 12 juillet 2024
Cette libre adaptation de Ionesco permet à Amos Gitaï d’élaborer une métaphore politique subtile, dans la lignée de ses précédents films.
- Réalisateur : Amos Gitaï
- Acteurs : Irène Jacob, Yaël Abecassis, Hanna Laszlo, Elena Yaralova , Menashe Noy, Naama Preis, Bahira Ablassi, Pini Mittelman
- Genre : Drame, Politique
- Nationalité : Israélien, Français, Italien
- Distributeur : Épicentre Films
- Editeur vidéo : Épicentre Films Éditions
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 6 mars 2024
- Plus d'informations : Le site d’Épicentre Films
- Festival : Festival de Berlin 2024
L'a vu
Veut le voir
– Sortie DVD : 16 juillet 2024
Résumé : Inspiré de la pièce d’Eugène Ionesco, le film raconte l’émergence de l’intolérance et de la pensée totalitaire à travers une série d’épisodes quotidiens qui se déroulent en Israël dans un seul bâtiment, le Shikun. Dans ce groupe hybride de personnes d’origines et de langues différentes, certains se transforment en rhinocéros, mais d’autres résistent. Une métaphore ironique de la vie dans nos sociétés contemporaines.
Critique : Écrit et tourné avant les attentats du 7 octobre, Shikun doit être apprécié en le situant dans le contexte de cette période, où de nombreux citoyens et artistes de la société civile israélienne manifestaient leur hostilité au gouvernement d’extrême droite au pouvoir. Amos Gitaï précise ainsi dans le dossier de presse : « Le film est en relation avec le chaos du monde, chaos engendré par les guerres, les inégalités économiques, les injustices. La plupart des films tendent à édulcorer ce chaos par des assemblages d’explications logiques, psychologiques, sociologiques, etc. entre les comportements, ce qui rassure le public. Mais à mes yeux il s’agit d’un leurre, d’une malhonnêteté. La réalité est la résultante de forces hétérogènes, de hasards, d’interférences illogiques. Avec au milieu de cela la présence d’une force active, qui est la peur. La peur n’est pas un donné, elle est construite, elle est fabriquée, et des dirigeants comme Trump, Netanyahou, Orban, Poutine, etc. sont des ingénieurs de la peur, et évidemment le Hamas aussi. Ils prospèrent sur le sentiment de peur qu’ils produisent et entretiennent. C’est ce que figurent métaphoriquement les rhinocéros, et c’est ce à quoi il faut résister ».
- Irène Jacob
- © 2024 AGAV Films, GAD Fiction Ventre Studio, Recorded Picture Company, Intereurop CDP, United King Films, Elefant Films, Freestudios. Tous droits réservés.
Librement inspiré du Rhinocéros de Ionesco, qui dénonçait métaphoriquement les dérives du totalitarisme, le long métrage a été tourné avec un budget modeste, mobilisant la troupe que le réalisateur dirigeait pour la version scénique de House, pièce de théâtre inspirée d’un de ses films. Le semi-huis clos en plein air, dispositif déjà utilisé par Gitaï, permet de créer un sentiment d’oppression et de malaise. Au sein de ce shikun, immeuble de logement social qui sert de décor, différents protagonistes trouvent refuge, et les différentes langues (hébreu, arabe, ukrainien, français) se télescopent, comme pour montrer l’universalité du propos. Gitaï parvient alors à créer un mini-film choral séduisant, jamais plombé par la profusion de dialogues, cohérent par des prises de vue fluides (beau travail du directeur photo Éric Gautier) et ses plans-séquences.
- © 2024 AGAV Films, GAD Fiction Ventre Studio, Recorded Picture Company, Intereurop CDP, United King Films, Elefant Films, Freestudios. Tous droits réservés.
Les interprètes se meuvent avec aisance dans le dispositif, dont les fidèles Hana Laszlo (Free Zone) et Yaël Abecassis (Kadosh). Mais c’est autour d’Irène Jacob que la caméra gravite le plus. L’interprète de La double de Véronique incarne ici avec brio un personnage tourmenté et déterminé. Même si le film donne parfois l’impression d’un exercice de style, il confirme que le réalisateur garde de hautes ambitions cinématographiques tout en proposant une vision humaniste, sans tomber dans les pièges du film à thèse démonstratif. En ce sens, Shikun s’inscrit dans la mouvance de films israéliens témoignant d’un regard critique sur la société mais en privilégiant une démarche artistique, à l’instar des œuvres de Nadav Lapid (Le genou d’Ahed).
Le test DVD :
L’image
L’image du support vidéo ne comporte pas de défaut. Le visionnage du DVD confirme les qualités du directeur photo Éric Gautier qui a également collaboré avec des cinéastes aussi divers que Desplechin, Chéreau, Carax, Ruiz et Resnais.
Le son
Stéréo, 5,1. Le film est proposé en version originale avec sous-titres français ou anglais, les différentes langues parlées étant le français, l’arabe, l’hébreu, le yiddish et l’ukrainien. Le DVD permet d’apprécier, comme dans les salles, la très belle bande originale, à la fois mélodieuse et oppressante, du clarinettiste Louis Sclavis et du violoniste Alexey Kochetkov. C’est sur la base d’un air que jouait le père du cinéaste qu’est née la trame musicale qui contribue au pouvoir de fascination du long métrage.
Les suppléments
– Entretiens avec Amos Gitaï par Jean-Michel Frodon et avec Irène Jacob (30mn).
La réalisation techniquement irréprochable a été confiée à Linda Tahir. Ces entretiens croisés évitent l’anecdotique et l’auto-congratulation, souvent inhérentes aux bonus, pour apporter des éléments d’information et d’analyse, avec clarté et honnêteté. Le réalisateur justifie son choix du titre, à la fois et explicite et abstrait, le shikun, lieu réservé à l’accueil des migrants depuis plusieurs années, ayant servi de décor au film, tout en symbolisant un microcosme de la société israélienne. Amos Gitaï et Irène Jacob rappellent que le tournage a eu lieu en décembre 2022 et janvier 2023, mais qu’après réflexion, le contenu du long métrage n’a pas été modifié au lendemain des massacres du 7 octobre, la portée de la fable étant universelle. La charge politique contre le gouvernement d’extrême droite israélien est assumée par le cinéaste qui estime que des citoyens israéliens sont maltraités par un pouvoir raciste, théocratique et liberticide contournant les règles démocratiques. Actualisant les intentions de Ionesco dans Rhinocéros, qui se référait aux totalitarismes allemand et soviétique, Amos Gitaï a également, et surtout, une démarche d’artiste. Sont particulièrement instructives les révélations sur l’autonomie laissée en amont aux comédiens (les contorsions et les danses d’Irène Jacob), mais en complémentarité avec une absence d’improvisation technique pendant le tournage, notamment pour les plans-séquences qui prennent une place importante dans la construction du film.
– Bio-filmographie du réalisateur
– Galerie photos (9 images du film et du tournage)
– Bande-annonce du film, en plus de trois autres promotionnelles, et relatives à des éditions d’Épicentre.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.