Si loin, si proche
Le 23 février 2006
La grâce à l’état pur pour un double portrait de femme. Intemporel.
- Réalisateur : Krzysztof Kieślowski
- Acteurs : Irène Jacob, Aleksander Bardini, Halina Gryglaszewska, Wladyslaw Kowalski, Philippe Volter
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Polonais
- Distributeur : Potemkine Distribution, Sideral
- Editeur vidéo : MK2 Video
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 24 avril 2017 21:00
- Chaîne : ARTE
- Reprise: 6 octobre 2021
- Date de sortie : 15 mai 1991
- Festival : Festival de Cannes 1991
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Résumé : L’histoire de deux jeunes femmes, l’une française, l’autre polonaise, qui n’ont rien en commun et qui sont pourtant identiques : elles sont gauchères, ont une voix magnifique et la même malformation cardiaque difficilement décelable.
Critique : Wong Kar-wai pensait-il à La double vie de Véronique lorsqu’il tournait Chunking express, son château de carte émotionnel ? Rien n’est moins sûr. Pourtant les deux films ont beaucoup en commun à commencer par cette fragilité, cette impression que tout ne tient qu’à un fil et que l’édifice fictionnel risque de se fissurer au moindre faux pas. Mais pourtant, ils tiennent bon, tout du long, survolant avec une grâce funambule les territoires balisés du cinéma contemporain. Une sorte de miracle cinématographique.
À peine achevé son ambitieux Décalogue, monument du cinéma d’auteur des années 80, Kieslowski s’attelle à ce film, à mi-chemin entre la Pologne et la France. Si faire du cinéma c’est avoir un regard unique sur le monde qui nous entoure alors La double vie de Véronique s’impose comme une des plus éclatantes réussites du 7e art. Le raconter tient de la gageure, tant l’enjeu se situe au-delà de considérations purement scénaristiques. Succession de morceaux de bravoure, de plans jamais vus, d’instants de flottements, Kieslowski filme l’indicible. Comment décrire cette scène où Weronika (Irène Jacob, le rôle de sa vie) s’effondre sur scène, en plein crescendo lyrique ? Ou bien ce fascinant spectacle de marionnettes, profession de foi et affirmation d’une croyance en un art mystique, où les sentiments ne passeraient pas par une quelconque épaisseur psychologique, mais par une virtuosité de maître artisan, un souffle chorégraphique de tout les instants.
"De battre mon cœur s’est arrêté", rarement ce titre ne nous aura semblé aussi pertinent que pour ce film où les deux personnages principaux s’ébattent et s’agitent à des milliers de kilomètres d’écart. Pourtant, Kieslowski le magicien, nous fait ressentir à quel point leur destin est irrémédiablement lié. Le battement d’aile du papillon, sans doute...
Le charme ne saurait être complet sans la musique, omniprésente, qui permet à La double vie de Véronique de prendre son envol vers les sphères les plus pures du cinéma. Car ils sont rares, les films qui peuvent aujourd’hui prétendre à cette grâce intemporelle.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Un documentaire de 52 minutes Kieslowski - Dialogue, tourné à l’époque de La double vie de Véronique, nous permet de nous plonger dans l’univers du cinéaste. Il mélange images du tournage, séquences du film et extraits d’un entretien avec le cinéaste, où celui-ci expose sa démarche cinématographique (universalité des sentiments, travail avec les acteurs, obsessions thématiques) de manière particulièrement claire. Un supplément passionnant. Le DVD propose ensuite un entretien avec Irène Jacob. Pendant une quinzaine de minutes, elle nous parle de sa rencontre avec Kieslowski, de son travail préparatoire. Les anecdotes s’enchaînent rapidement (sans séquences de film pour les parasiter, comme c’est souvent le cas pour ce type de bonus), et le débit enjoué de l’actrice rend l’entretien particulièrement intéressant. Puis, suit un documentaire de 30 minutes, Kieslowski, cinéaste polonais, où Luc Lagier revient sur le parcours du cinéaste, en mettant l’accent sur ses films polonais, peu connus du grand public français. Malgré une durée relativement courte (insuffisante, on s’en doute, pour retranscrire les subtilités d’une œuvre aussi dense), l’analyse surprend par sa clarté et sa pertinence. Le réalisateur prend le soin d’inscrire les films dans le contexte socio-politique et artistique de la Pologne de l’époque et se livre à un fascinant travail de décryptage, traquant l’extrême cohérence d’une œuvre à priori hétérogène (documentaires, films de fictions "réalistes", puis plus "mystiques"). Un beau moment, extrêmement enrichissant.
Dans un souci d’exhaustivité, MK2 éditions nous propose une sélection de courts métrages L’usine, La gare, et L’hôpital. En effet, avant de se faire connaître pour ces longs métrages de fiction, Kieslowski s’est passionné pour le court métrage documentaire. Ces trois films (environ vingt minutes chacun), avec leur souci de réalisme (caméra portée, longues scène de discussions collectives...) tranchent singulièrement avec l’image éthérée des longs métrages qui suivront. Pourtant, ces documentaires témoignent d’une démarche artistique qui ne cessera d’accompagner le cinéma de Kieslowski, avant d’être remise en cause dans le film L’amateur, où un cinéaste amateur se heurte à l’illusion de "l’objectivité documentaire". Enfin, complément appréciable, le DVD nous propose le court Les musiciens du dimanche, portrait d’un orchestre amateur (et, en creux, un regard sur l’impulsion créatrice) ayant particulièrement influencé Kieslowski. Sans oublier les bandes-annonces des films de la "collection Kieslowski" (tous les longs métrages réalisés pour le cinéma, en fait). MK2 a donc réalisé un superbe travail éditorial pour ce film particulièrement attendu. Réussissant à allier quantité (près de trois heures de bonus) et qualité (pertinence et intelligence), sans jamais faire de remplissage. Une édition de référence.
Image & son : La restauration est sublime et retranscrit à la perfection l’univers chromatique, particulièrement riche, du film (emploi prononcé de filtres de couleur). De quoi profiter pleinement du génie visuel du cinéaste. En y regardant de très près, on pourra relever quelques (minuscules) ratés d’encodage. Le son (choix entre une piste 5.0 ou stéréo) fait preuve d’une grande clarté. Un détail qui à son importance quand on sait la place qu’occupe la musique dans le film. Bref, techniquement, La double vie de Véronique est un sans faute témoignant d’un soin extrême.
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