Le 14 août 2016
La captation d’une mise en scène ascétique au service d’un texte admirable, et admirablement dit.
- Réalisateur : Amos Gitaï
- Acteurs : Jeanne Moreau, Éric Elmosnino, Mireille Perrier
- Genre : Théâtre
- Editeur vidéo : Épicentre Films Éditions
- Durée : 1h37mn
- Date de sortie : 5 juillet 2016
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– Sortie DVD : le 5 juillet 2016
Résumé : Captation de son spectacle présenté au Festival d’Avignon, La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres d’Amos Gitaï est adapté de la chronique La guerre des Juifs de l’historien Flavius Josèphe (Ier siècle après JC). Ce document raconte comment l’état hébreu a perdu sa souveraineté à l’issue d’une guerre contre les Romains dont les étapes les plus marquantes sont la prise de Jérusalem, la destruction du Temple et la chute de Massada. Dans cette mise en scène au coeur de la carrière Boulbon, lieu minéral magique au sud d’Avignon, Jeanne Moreau est assise à une table et endosse le rôle de l’auteur. Elle est entourée de comédiens qui incarnent les personnages du livre dans cette réflexion poétique et politique sur le Proche-Orient contemporain. Pour Amos Gitaï, le texte de Flavius Josèphe "fait partie de ses fantômes" et il lui semblait important de le faire entendre à nouveau aujourd’hui.
Notre avis : Amos Gitaï lit et relit depuis longtemps La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe ; il faut en effet une certaine familiarité avec ce texte pour l’adapter et en faire ce spectacle, que l’on peine à appeler pièce de théâtre, tant la représentation en est d’un ascétisme poussé. À dire le vrai, on aborde cette captation avec une grande réserve que le début ne dissipe pas : alternance de lecture et de déclamation, échafaudages qui évoquent les recherches avant-gardistes d’un autre âge, absence de dialogues … on pourrait penser à une caricature.
Et puis … peu à peu on comprend le projet de Gitaï : restituer le texte nu, dans sa beauté complexe, entremêler les voix, les langues, les chants et les époques par les costumes pour créer un oratorio scrupuleusement structuré. La jouissance du verbe, de tous les verbes, éclate aussi bien dans la diction admirable de Jeanne Moreau que dans les élans lyriques et émouvants de Mireille Perrier, et, surtout pourrait-on dire dans les poignants chants yiddish. Certes, on se demande un peu, hors symbolisme balourd, pourquoi Vespasien parle anglais ; on se dit parfois aussi que les postures figées confinent au hiératisme convenu ou que les tailleurs de pierre semblent incongrus.
Mais tout cela n’est rien, balayé par le texte, qu’on sait gré à Gitaï de ressusciter : quelle beauté ! Entre la précision de l’historien et les passages lyriques (on entend subrepticement une annonce de Shakespeare dans quelques envolées), l’ambigu Flavius Josèphe (il est devenu romain après la défaite) narre avec force une histoire universelle de la violence : partout les massacres, les viols, jusqu’à l’anthropophagie la plus insoutenable. Partout des décideurs organisent des tueries. Qu’il soit ici question de Romains et de Juifs ne changent rien, et l’on est pas sûr qu’il soit intéressant de chercher des correspondances actuelles : c’est bien de la violence gratuite, éternelle, qu’il s’agit. Mais loin d’une dénonciation benoîte, le texte, par sa puissance, rend le récit (au sens classique du terme) profond et d’une furie poétique (voir en particulier la longue tirade finale d’ Eléazar).
La Guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres n’est pas un spectacle aimable ou sympathique. Le minimalisme, décourageant dans les premières minutes, se révèle pourtant un choix essentiel pour que le texte, le plus nu possible, déroule son cortège de massacres et d’interrogations, sans fioritures : il se suffit à lui-même.
Les suppléments :
D’abord le coffret lui-même, qui contient un livret précieux de 48 pages avec le texte du spectacle, mais aussi une introduction, un entretien avec le cinéaste, sa biographie, sa filmographie et une bibliographie sur le sujet. On ne peut rêver plus complet. Le DVD comprend Construction, un documentaire intéressant sur la préparation et les répétitions qui respire la minutie et le scrupule, et un extrait de Milim (1993) « performance théâtrale dans le ghetto de Venise » : il s’agit d’une première variation, plus radicale encore, sur le texte de Josèphe, avec Samuel Fuller dans le rôle du narrateur. L’image est assez abîmée et les surimpressions d’un goût curieux, mais la valeur documentaire indiscutable (20 minutes). Enfin une galerie photos et la bio-filmographie d’ Amos Gitaï complètent cet ensemble fourni.
L’image :
Lisse et propre, aux noirs profonds : le DVD au mieux de ses capacités dans des conditions particulières.
Le son :
La seule piste 2.0 restitue avec beaucoup de chaleur aussi bien les voix, évidemment essentielles, que la musique ; c’est énorme pour une captation en plein air.
Galerie Photos
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