Le paradoxe des séries TV
Le 29 janvier 2023
Dans une époque marquée par l’avènement des séries, l’auteur ne se lance pas dans une nouvelle analyse de ces fictions. Il les aborde par la voie philosophique. Un livre exigeant.
- Auteur : Hugo Clémot
- Collection : Sérial
- Editeur : Presses Universitaires François Rabelais
- Genre : Essai
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 30 novembre 2022
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : En disséquant le rapport des spectateurs à des séries à succès aujourd’hui terminées, Hugo Clémot cherche à démontrer ce qu’elles nous apprennent sur nous-mêmes. "Dexter", "Les Sopranos", "Lost", "Twin Peaks"... autant de productions télévisuelles saluées par la critique, qui semblent nous aider à définir qui nous sommes réellement.
Critique : L’ouvrage s’adresse aux habitués des lectures philosophiques, désireux de lier cette discipline à l’amour des séries. Si la philosophie peut être définie comme l’art de se poser les questions que l’on se ne pose pas, la première est donc celle que le livre aborde en milieu de parcours : « comment pouvons-nous nous émouvoir pour des personnages de fiction ? »
L’auteur choisit de dépasser cette question en se demandant comment peut-on éprouver de l’empathie pour des personnages mauvais. Dexter, tueur en série, fascine pendant huit saisons, partage son intimité tout autant que ses pensées meurtrières. L’attachement à un tel personnage apparaît comme un paradoxe, mais la philosophie des séries permet peut-être de mieux déculpabiliser.
Idem pour Tony Soprano, un mafieux qui entame une psychothérapie. Le récit devient alors plus important que son personnage : le spectateur peut prendre part à la thérapie, en mettant de côté la morale de l’activité du personnage. Cette démonstration fine de l’auteur renvoie à la notion philosophique de définition de la personne, chère à Sartre ou à Pascal pour ne citer qu’eux, ou à celle de l’altérité théorisée par Paul Ricoeur. Il nous renvoie à la question : que dit cet Autre de moi ?
Toutes ces théories nous invitent à nous interroger sur l’appétence pour les séries que connaît notre société depuis plus d’une dizaine d’années. Au-delà des personnages, l’ouvrage aborde également la mise en scène. Le propos s’accompagne d’illustrations, comme avec The Walking dead.
Si les zombies ont souvent été objets d’analyses philosophiques, notamment grâce au cinéma, l’auteur se livre ici à une comparaison avec la propagation du virus COVID-19 pour mieux expliquer la « géographie du chaos ». Une approche certes un peu laborieuse parfois, mais qui permet de mieux appréhender les procédés de mise en scène ou de scénario. En cela, l’ouvrage permet une analyse poussée des séries examinées.
Hugo Clémot traite aussi de Game of thrones. Son succès mondial, public, critique a clairement marqué un tournant dans l’histoire des séries, ne serait-ce que par son audience phénoménale. Il choisit ici d’aborder la question du temps et de l’éphémère. Cette approche assez originale de l’œuvre renvoie au plaisir que l’on a pu avoir en regardant épisode après épisode. Nous n’avons pas seulement profité du spectacle, nous nous sommes demandés jusqu’où cette guerre des trônes pouvait aller, sans que jamais le récit n’en pâtisse.
Enfin, intégrer à son corpus Twin Peaks était un choix ambitieux. Evidemment, il sera question dans ce chapitre de métaphysique, mais la série de David Lynch ne peut pas réellement être comparée aux autres, en raison de sa construction même. L’aborder en fin d’ouvrage peut sembler être un point d’orgue, mais l’analyse en reste superficielle. Une telle complexité dans cette série ne peut se contenter de quelques pages, aussi denses soient-elles. L’auteur l’aborde donc sans originalité, sous le prisme métaphysique du rêve, dans un propos toutefois bien construit et pertinent.
Entendons-nous bien sur la nature de ce livre. Publié aux Presses Universitaires, il n’est clairement pas un livre de plage. La lecture est exigeante, mais les chapitres peuvent être lus séparément et même dans un ordre différent de celui proposé. Il s’agit d’un ouvrage où l’on peut revenir, qui témoigne d’un attrait évident pour des séries exigeantes, à savoir celles qui vont au-delà du simple récit. Le choix judicieux des séries, les paradoxes exposés, la richesse des analyses et des références font sans doute de ce livre une référence pour tous ceux qui sont désireux de mieux approfondir la relation entre spectateurs et séries, en somme, une grande partie d’entre nous.
392 pages
28€
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