Sauvage !!

Dans un paysage musical français bien cloisonné, il semble parfois ne pas y avoir d’autre échappatoire à la variété qu’une certaine chanson à texte, réaliste ou poétique, souvent intimiste. Cette année, on aura donc salué sans surprise le retour de Bashung et fêté l’arrivée des Carla Bruni et autres Camille ou Vincent Delerm. Mais qu’en est-il du rock ?

A part quelques cadors, qui tels Noir Désir réussissent à se faire une place en conjuguant une tradition littéraire bien française aux guitares les plus acérées, toute tentative de marier la pop et le rock est souvent regardée de travers. Les auteurs du plus spectaculaire retour de l’année en savent quelque chose : Indochine ont passé pas mal de temps à trouver leur nouvelle place, eux qui se voyaient désormais en Placebo hexagonaux. Mais il ne faut pas désespérer non plus de la nouvelle génération : avec Dionysos, Pleymo et bien d’autres, on peut enfin accéder à des plaisirs plus immédiats sans avoir à traverser la Manche ou l’Atlantique.

Bonne surprise aussi avec Philippe Uminski, ancien chanteur de Montecarl, injustement boudé par le public lors de la sortie de son premier album solo. Entre jungle, disco et pop plus classique, Uminski ne maîtrisait pas toujours son éclectisme mais se distinguait par l’élégance et la sincérité de son ton. Impossible d’oublier la mélancolie de La ville, construit autour d’un texte de Vincent Ravalec et superbement produit à la Phil Spector. On retrouve donc avec plaisir ce morceau sur le six-titres qu’Uminski vient de sortir sous le nom prometteur de Sauvage !!. Concept du disque : revisiter dans leur version live quelques morceaux du dernier album plus une reprise des Buzzcocks. Un simple bouche-trou commercial ?

Certainement pas, car Sauvage !! fait subir une véritable métamorphose garage rock à des chansons qu’on avait connues engoncées dans des arrangements pas toujours à la hauteur. L’intensité ne faiblit jamais et les références aux Stooges (Amour et haine) ne sonnent plus du tout déplacées. Particulièrement flamboyante, la James Bond Girl d’Uminski évoque l’esprit sixties des aventures de 007 avec plus de sex-appeal que toutes les récentes péripéties de Pierce Brosnan. Difficile alors de ne pas être séduit par ce subtil mélange de fragilité et d’arrogance qui faisait déjà le charme des groupes punk/pop français des années 80, Taxi Girl en tête. Ce serait dommage si ce genre de plaisirs un peu nostalgiques devait rester réservés aux seuls initiés...