Folk feutrée
Le 3 décembre 2002
Une héritière dont la dame brune n’aurait pas à rougir.
- Artiste : Bruni, Carla
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A l’heure du cinquième anniversaire de la disparition de Barbara, Carla Bruni incarne peut-être, contre toute attente, une héritière dont la dame brune n’aurait pas à rougir.
Quelqu’un m’a dit n’a rien d’un premier album. Et encore moins d’un album de top-model. Heureusement, car le genre, peu prolifique, fut plusieurs fois plombé par des tentatives navrantes (qui se rappelle encore l’album de Naomi Campbell ? qui s’est procuré le single de Karen Mulder ?). De Brigitte Bardot à Isabelle Huppert, les actrices sont beaucoup plus fréquemment passées derrière le micro, notamment grâce au parrainage parfois complaisant d’un Serge Gainsbourg. Mais personne n’a fait chanter Carla Bruni.
Elle n’a pas attendu de descendre des podiums pour commencer à écrire (pour Julien Clerc) et elle inaugure une nouvelle carrière avec un disque que certains qualifieraient déjà d’album de la maturité. A moins qu’elle ne soit l’artiste d’un seul album, car la demoiselle paraît avoir tellement de ressources cachées qu’on ne serait pas surpris si, dans deux ans, elle réussissait avec le même aplomb un concours international d’architecture ou le développement d’un nouveau système d’exploitation informatique.
Mais faire de la musique est un projet que la belle Italienne caressait depuis son adolescence parisienne, qu’on imagine bercée par les chansons de Barbara ou Françoise Hardy. Ses morceaux révèlent un don pour apprivoiser des langages musicaux comme le blues et le jazz, qui se sont souvent avérés les meilleurs alliés de la chanson française, de Boris Vian à Jeanne Moreau. Et aussi une pop légère et intemporelle, telle Le plus beau du quartier, seule référence ironique à l’égocentrisme effréné de son ancien métier. Trouver le ton juste, aussi éloigné du mélodrame que de la mièvrerie, est la grande affaire de Quelqu’un m’a dit. De la mélancolie résignée du premier morceau à la joliesse macabre de La noyée (exhumée des oeuvres oubliées de Gainsbourg), la voix un peu rauque de Carla Bruni impose une distance qui ne tourne jamais au maniérisme.
Vieille connaissance venue assurer les guitares et produire l’album, l’ex-Téléphone Louis Bertignac contribue beaucoup à l’élégance de cette atmosphère toute en retenue. Jamais l’orchestration ne s’impose, laissant le tout premier plan à un chant dont les moindres imperfections sont perceptibles. En fait, Bertignac et Bruni pourraient facilement faire oublier les très fades Biolay/Keren Ann s’il leur prenait l’envie de se mettre au service d’autres artistes. Mais un autre chantier de taille attend la jeune chanteuse : aura-t-elle le courage de venir au secours de sa terre natale et de s’aventurer dans le domaine ultra-sinistré de la variété transalpine ?
Carla Bruni - Quelqu’un m’a dit (Naïve)
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